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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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à Paris autre chose que
des ministres et des dames de vertu douteuse, intervint Flora qui, rejoignant
le groupe avec Charlotte, Élise et M me  Laviron, avait suivi la
fin du discours de son mari.
    — Oui. Qu’avez-vous vu de beau ? dit Charlotte, excitée,
en s’asseyant.
    — Nous avons vu un lion, oui, un superbe lion au repos,
dû au ciseau de Barye, un sculpteur animalier en passe de devenir très célèbre.
Le fauve de bronze, grandeur nature, est d’une vérité criante. D’ailleurs, on
nous a dit que l’artiste passe le plus clair de ses journées au Jardin des
Plantes, à observer et à dessiner les animaux. Il a maintenant un tel succès
que toutes les Parisiennes veulent un petit lion rugissant sur la cheminée de
leur salon ! Mais Claude a refusé d’en acheter un, conclut Flora avec une
moue.
    — M. Barye, qui ne produit que des bêtes sauvages,
devrait être inspiré par l’homme, le plus féroce des animaux ! plaisanta
Ribeyre.
    L’apparition de Martin Chantenoz et de son épouse, Aricie, sobre
beauté d’âge mûr, au port hiératique, qui avait d’emblée séduit les membres du
cercle, interrompit la conversation. Salutations et embrassades consommées, Trévotte
remplit les verres du vin blanc de Belle-Ombre, tandis que Lazlo, le Tsigane, passait
les bâtonnets salés de taillé aux greubons.
    Le mariage, si longtemps redouté par Martin Chantenoz, avait
transformé l’aspect extérieur du poète, dont la tenue vestimentaire, plus que
négligée, amusait autrefois les étudiants de l’Académie. L’ancien précepteur d’Axel
portait maintenant un pantalon au pli strict, une chemise éclatante de
blancheur, une redingote aux revers nets. Des manchettes amidonnées
remplaçaient les poignets de chemise effrangés qu’on lui avait toujours connus.
    Quelques jours plus tôt, Martin avait confié à son ancien
élève qu’il était contraint, depuis son mariage, à se raser au moins deux fois
par semaine, et non plus comme naguère, quand il allait, une ou deux fois par
mois, passer la nuit avec sa maîtresse !
    Malgré tout ses efforts, Aricie, femme soignée, qui
conservait la sévère élégance d’une veuve de pasteur anglican, n’avait pas
encore obtenu de son second mari qu’il apprît à nouer strictement sa cravate. Signe
d’ultime réticence à l’ordonnance conjugale, celle-ci flottait en perpétuelle
déroute, sur un gilet qui comptait, enfin, le même nombre de boutons que de
boutonnières !
    Les chaussures du poète, qui avaient longtemps ignoré l’existence
de la brosse et du cirage, luisaient maintenant comme des miroirs. Cela attira
l’attention de Charlotte.
    — Mon Dieu, Martin, te voilà comme un sou neuf !
    — Comme un sou neuf… ou démonétisé ? maugréa le
professeur en cachant ses pieds sous sa chaise, honteux d’exhiber des souliers
trop bien cirés.
    — Je me demande comment tu oses encore marcher avec de
pareilles œuvres d’art au pied ! plaisanta le docteur Vuippens qui venait
de rejoindre l’assemblée.
    Ces transformations, imposées avec douceur mais fermeté par
la paisible Aricie, Chantenoz les devait en partie à Basil Coxon, le valet venu
autrefois d’Angleterre avec le défunt pasteur Highsmith. La veuve du ministre
avait conservé à son service ce parfait maître Jacques, croisement réussi, encore
qu’illégitime, entre un butler de Mayfair et une camériste de Kensington.
Au fil des années, Basil s’était pris pour l’épouse malheureuse et infidèle du
pasteur d’une affection canine. Complice discret, il connaissait, depuis le
premier jour, la liaison de sa maîtresse avec le professeur Chantenoz, personnage
qui disposait, aux yeux du domestique, d’un savoir encyclopédique. Coxon avait
toujours réprouvé les débordements éthyliques et triviaux de son maître, et le
bonheur d’Aricie, enfin pourvue d’un époux selon son cœur, le réjouissait. Le
valet appréciait la courtoisie du nouveau mari, tout en regrettant qu’il n’usât
pas davantage de ses prérogatives de maître de maison. Il condamnait le désordre
pathologique du poète et regrettait son peu d’exigences en matière de service.
    Il ne savait qu’imaginer pour plaire à Martin, et ce dernier
trouvait parfois que l’obséquieux et attentif Basil en faisait un peu trop. Ainsi,
l’éclat de ses chaussures mettait Chantenoz mal à l’aise et, n’eût été par
considération pour sa femme, il se fût empressé de les souiller afin
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