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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule
Autoren: Remi Waterhouse
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lumières sur la question. L’éclat de rire général qui accueillit la question n’était qu’une manifestation de la gêne engendrée par le trop long silence que chacun avait ressentie pesamment, mais Ponceludon en fut blessé, et il se composa une mine sévère pour affronter la houle de l’hilarité. Les joues à peine rosies par l’offense, il attendit, le front haut, que l’agitation retombe, et que l’attention de l’assemblée retrouve son cours morne.
    On avait ri de lui avec d’autant plus de coeur que, fils d’un père qui avait son portrait en haut de l’escalier de la Société, Grégoire n’était jamais parvenu à se faire reconnaître autrement que pour sa compétence, son travail et l’ardeur de ses convictions — ce qui est peu quand il y manque la gaieté en société et le goût des agapes. Gaston Ponceludon de Malavoy — dont tous révéraient la mémoire — n’avait pas eu beaucoup de familiarité dans ses manières, mais on pardonne à un père noble une retenue qui passe pour bégueulgrie chez son fils.
    Parmentier sourit à son interpellateur. Ne s’adressant qu’à lui seul, par-dessus les perruques moutonnières de ceux qui s’étaient moqués de connivence, il fit justice de la légende des garçons de la Manche sans la moindre ironie, et tous ceux qui avaient pris part au chahut hilare écoutèrent avec gravité la réponse.
    La journée se finissait par la dégustation d’un vin de pomme de terre qui remporta un vif succès. Les yeux maintenant brillaient, les esprits se déliaient, l’invité était étourdi de questions par ceux-là mêmes qui avaient été incapables d’en formuler une seule un peu plus tôt.
    En admirateur orgueilleux, Ponceludon attendait que Parmentier fût seul un instant pour l’aborder. Il ne voulait pas mêler sa voix au choeur des flagorneurs, de peur que les accents délicats de sa sincérité n’y fussent noyés. Le jeune homme dégustait d’un air sombre son cinquième verre de vin de pomme de terre, quand Parmentier échappa soudain à ses hôtes et l’aborda sans préambule.
    — Votre conviction emporte l’adhésion, et votre étude est un modèle de rigueur. Une société savante s’honorerait en publiant votre travail. Remarquable exposé.
    — Monsieur, je voudrais seulement convaincre, répondit l’ingénieur en soutenant le regard de Parmentier.
    La plupart des hommes n’ont pas la grâce de savoir prendre un compliment, et leurs protestations confuses les font passer pour coquets sous la caresse. La droiture de Ponceludon lui épargnait ces émotions intempestives, et éloignait de lui les flatteurs — qui ne redoutent rien comme la simplicité du coeur.
    — Cette Dombes-là est bien un affreux abcès sur le visage de la douce France, poursuivit Parmentier. Vous m’avez appris quelques tristes détails qui sont inconnus de la plupart des savants. Mais, si vous me permettez une remarque, il y a deux sortes de personnes que vous ne convaincrez jamais : ceux que leur intérêt prévient contre vous — ils sont nombreux...
    Ponceludon approuva et renchérit :
    — Le poisson est roi, là-bas. Les religieux font quatre-vingt-dix jours maigres dans l’année, et messieurs les abbés ne prient que la panse pleine !
    — ...la deuxième sorte d’hommes que vous ne convaincrez jamais, quelque temps que vous y passiez, continua tranquillement Parmentier, sont vos amis qui vous sont déjà acquis. J’ai peur qu’en restant au pays, vous ne rencontriez que ces deux espèces-là.
    Parmentier fit tinter son verre sur celui de Ponceludon. Depuis qu’il l’avait abordé, il ne cessait de hocher la tête. Le jeune homme dut admettre qu’il avait pris pour un encouragement secret ce qui n’était qu’une manie, dont l’illustre philanthrope n’était même pas conscient. Il opinait sans doute ainsi du matin au soir, sans aucune intention affirmative.
    — Pardonnez-moi de citer ma propre histoire, elle est connue, et même on l’a chansonnée : du jour où le roi a mis une fleur de pomme de terre à sa boutonnière, il n’y eut plus que des enragés de la patate parmi les honnêtes gens. Ceux-là mêmes qui, une semaine plus tôt, faisaient mille contes à mourir de rire sur le sieur Parmentier. Croyez-moi, n’attendez aucun secours de la province.
    Avant que le jeune homme ait pu prononcer un mot, Parmentier avait disparu, enlevé par un essaim de bavards. Ponceludon vida son verre de vin de patate d’un
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