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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule
Autoren: Remi Waterhouse
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trait. L’alcool aidant, une exaltation sans objet l’envahit, qui trouva bientôt un domaine d’expansion dans les horizons prometteurs de Versailles.
    Une semaine plus tard, Grégoire Ponceludon de Malavoy, monté sur un cheval sans race acheté le matin même, cherchait un nom à sa monture. Après avoir divagué parmi les animaux mythologiques, son esprit se laissait paresseusement guider par les aléas des associations erratiques. Un souffle d’air tiède aux relents méphitiques venu des marais lui inspira Zéphyr. Zéphyr ne convenait guère à l’animal, mais Éole évoquait la harpe qui suggéra Tambour, puis Trompette et enfin Buccin. Buccin n’était pas trop commun, martial sans forfanterie, et donnait sa part à l’Antiquité tant prisée des cavaliers. Un oiseau effrayé jaillit des fourrés et Grégoire murmura Butor — c’en était un.
    Le ciel immense était crayeux. La nuée éclatante et diffuse brouillait l’horizon et dissimulait le soleil qui, voilé de blanc, semblait avoir dévoré l’espace entier. On était obligé de baisser les yeux pour les soustraire à cette lumineuse ardeur.
    Le silence qui enserrait le ciel, la terre et l’eau désignait Butor et son nouveau maître comme des intrus. Ce calme fit soudain place au bourdonnement diffus, entêtant, énervant, de milliers d’insectes. On arrivait à une chaussée d’étang bordée de roseaux que séparait des eaux une bande vaseuse et pestilentielle.
    Les miasmes, évaporés de cette frange découverte par l’eau dans laquelle chauffait une macération végétale putréfiée, étaient presque palpables. Cela soulevait le coeur. Un oeil du cheval était chassieux, ce que Ponceludon remarqua aux bataillons serrés de moucherons qui le butinaient maintenant avec avidité. Il ôta son chapeau pour s’en éventer.
    Il avait vendu son demi-sang de Dombes, une race qui s’était couverte de gloire au service de cavaliers aussi illustres que François I er ou Henri II — le premier ayant perdu la bataille de Pavie et le second, la vie, montés sur des chevaux pareils à celui-là. Ce destrier s’appelait Mandarin, hommage discret au fameux brigand Mandrin. Alors qu’il n’était qu’un trafiquant de chevaux, mauvais rejeton d’une famille de maquignons, le futur chef de bande avait vendu le père de Mandarin au père de Ponceludon.
    Grégoire Ponceludon de Malavoy s’était résigné à se défaire d’un cheval de si haute lignée au profit d’un bidet moins fragile et plus dur à la peine. Le bénéfice tiré de cette transaction lui permit de compléter son pécule. Le jeune baron avait comme particularité, rare dans sa caste, de préférer l’humanité à son cheval, aussi pas un denier ne devait manquer pour son voyage à Versailles.
    Il remarqua que Butor « tiquait aux noisettes », ce qu’il n’avait pas vu avant d’avoir topé là avec son vendeur. L’animal semblait mastiquer sans raison, sans plus de raison que Parmentier hochant la tête, et cette petite filouterie assombrit le jeune homme, comme un signe de l’hostilité des gens de la Dombes à sa personne, à son projet, qui pourtant ne conspirait qu’à les sauver.
    Il avait bien souvent entendu sa mère parler de Versailles. Lui-même y était né au cours d’une ambassade de son père auprès de Louis XV, roi de France, pour le compte de Louis-Charles I er , duc du Maine, prince et souverain de la Dombes. Gaston Ponceludon de Malavoy, venu sonder le roi de France sur les contreparties que le duc pouvait espérer de l’abandon de sa souveraineté sur la Dombes, avait dû revenir précipitamment vers sa terre du Montellier, en raison du sac de Bourg-en-Bresse par Mandrin — celui-là même avec lequel le digne baron avait fait un jour le pacte le plus inviolable, le plus sacré, engageant l’honneur des hommes au-delà des vaines hiérarchies sociales, la parole donnée sur un marché aux chevaux, ce claquement furtif de deux paumes, à côté duquel le sceau des rois au bas des traités n’est que des traces dans le sable. L’année suivante, les devoirs de sa charge lui avaient imposé d’assister, assis au premier rang, et revêtu de ses décorations, à la mort lamentable de son vendeur sur la roue.
    Quelques années plus tard, le récit de la mort du bandit que lui fit son père fut pour le jeune Grégoire son premier ébranlement moral. Évoqués par son père, les cris de souffrance et de rage, la solitude de l’homme
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