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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule
Autoren: Remi Waterhouse
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Chacun s’immobilisa, alors que le jeune homme s’avançait vers la trieuse, celle-ci leva vers lui un oeil oblique en essuyant ses mains saignantes et sales sur son tablier. Sa démarche énergique d’homme bieft nourri sur ce sol mou où chaque pas coûtait, contrastait avec les mouvements de naufragés des ramasseurs luttant contre l’enlisement. Parvenu devant la misérable femme que ses joues creuses empêchaient de sourire sans que cela ressemblât à une grimace douloureuse, Ponceludon, certain qu’elle cachait quelque chose, la tira rudement par le bras. L’enfant qu’elle dissimulait derrière elle apparut, avec des yeux d’animal traqué. Ponceludon le rassura d’un sourire, auquel le jeune garçon se décida à répondre, malgré le silence piteux de ses compagnons. Abrutis de misère, soumis de naissance, ils travaillaient comme des bêtes de somme et n’avaient à opposer à l’oeil courroucé d’un « monsieur » que des mines égarées et sournoises.
    Ponceludon avait demandé aux propriétaires d’épargner aux enfants de moins de douze ans le travail dans les étangs à la saison des fièvres, ce que ces derniers n’avaient pu lui refuser, sous peine de donner des arguments aux « assécheurs ». Celui-ci n’avait guère qu’une dizaine d’années. Maigre, le teint cireux, une taie lui recouvrait l’oeil droit, et son sourire découvrait des dents d’ardoise ébréchée. La femme hasarda une excuse.
    — C’est qu’on manque de bras, monsieur. L’aîné a la fièvre.
    Cette pauvre justification était avancée sans conviction, à peine articulée, car l’être le plus illogique aurait pu s’apercevoir qu’elle allait à l’encontre de son but. Ponceludon prit l’enfant par la main et l’entraîna vers la terre ferme, dans cet énergique bruit de succion que faisaient ses battes d’homme plein de santé en s’arrachant à la vase. Passant près d’un haleur, il perçut un très léger claquement.
    — Tu claques des dents, lança-t-il à l’homme, sans même s’arrêter. Tu sais ce que ça veut dire ?
    Il se sentit las de parler à des condamnés à mort aussi résignés. Du moins, celui-là devait être robuste, puisqu’il avait encore des dents. Parvenu à la chaussée, Grégoire hissa l’enfant contre l’encolure de Butor, et monta en selle.
    Ponceludon serra Léonard contre sa poitrine et mit le cheval au galop. Ils devaient contourner le marais des Échets, qui aurait suffi à empoisonner tout le pays, mais qui semblait extraordinairement propice à la vie sauvage. Celui qui se risquait à traverser ces eaux dormantes, provoquait sur son passage des envols d’oiseaux par dizaines, et un remue-ménage furtif de fuites éperdues. Ce sanctuaire de la vie sauvage était non seulement interdit aux hommes, mais aussi à leurs auxiliaires du règne animal, bétail ou chevaux. Comme si leur alliance avec l’homme les avait désignés pour partager les plaies dont il était affligé. Les bêtes qu’on envoyait sans inconvénient paître à « la brouille » dans d’autres lieux inondés, dépérissaient aux Échets, attaquées par la douve, et les cris des oiseaux du marais sonnaient comme des ricanements aux oreilles de toute créature civilisée.
    Quand ils furent éloignés des Échets, Ponceludon mit Butor au pas, et se pencha sur l’enfant pour s’assurer que la galopade ne l’avait pas effrayé. Le visage de Léonard était radieux, plein de cette confiance que mettent au coeur des enfants heureux les tours de magie et les promesses. Ponceludon lui caressa les cheveux et pensa, sans s’y arrêter, qu’il devait être doux d’être père.
    — Tu vas chez le roi ? Le père Timonier me l’a dit.
    Décidément, hors de la confession, le cher curé était incapable de garder quoi que ce soit pour lui, mais Ponceludon en sourit. Après tout, son projet serait rapidement éventé, une fois son départ connu.
    L’enfant se détourna vers Ponceludon, ravi. Il était presque beau malgré sa taie sur l’oeil et son visage grêlé de boue.
    — Il paraît que le roi guérit ceux qu’il touche.
    Rien n’inspire la peine comme l’innocence, puisqu’elle est au monde pour y être bafouée. Ponceludon aurait tant voulu lui répondre par l’affirmative.
    — Tous les hommes peuvent faire des miracles, tu sais...
    L’enfant ne se satisfaisait pas de cette vague sentence et se tordit le cou pour interroger du regard Ponceludon.
    — Tu ne me crois
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