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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule
Autoren: Remi Waterhouse
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pas ?
    Ponceludon arrêta le cheval et désigna d’un geste ample le miroitement des eaux alentour.
    — Eh bien je te fais une promesse, Léonard... Nous chasserons le mal des marais, et il fera bon vivre ici.
    — Tu vas faire dire des messes ?
    Ponceludon ne se retint pas de rire.
    — Non. Pas de messe. Nous construirons des digues et des canaux. Nous planterons des arbres et nous sèmerons. Ce pays sera très beau un jour, tu verras. Hay, hay !
    Il venait de mettre Butor au galop, cette fois-ci pour la seule joie du marmot. Il avait lâché Léonard et l’enfant, pas plus lourd qu’un gros dindon, était projeté en l’air à chaque foulée du cheval. Des hurlements de joie mêlée de frayeur rythmaient la course.
    La famille de Léonard habitait une des premières maisons de Rillieux. Un mauvais abri qui empoisonnait ses hôtes en raison du toit de chaume pourrissant qui l’empuantait. Leur arrivée ne passa pas inaperçue et fit sortir l’aîné, un spectre tremblant de fièvre à qui trois doigts manquaient, bientôt suivi par une grande soeur étique qui tenait un nourrisson chauve et étrangement tranquille dans les bras. « Il sera frappé de langueur comme la moitié des gens du pays », pensa Ponceludon en examinant du coin de l’oeil le nouveau-né. Le visage et le crâne du petit être immobile semblaient curieusement vernis, et son front luisait, ainsi que son minuscule menton.
    Les deux grands contemplèrent, impavides, le jeune hobereau qui sauta de selle, prit Léonard par la taille et le déposa sur le sol. L’enfant avait retrouvé son masque de lasse résignation, sans doute par décence envers ses aînés. Il attrapa sous sa chemise un petit pendentif passé à une cordelette et le tendit au cavalier.
    — Quand tu verras le roi, donne-lui ma médaille à bénir.
    Ponceludon recueillit dans le creux de sa main la petite médaille qui représentait Louis XV, entouré des mots GRATISS. MEMOR. OMN. CIV. VIRGINI REGEM SERVANTI MDCCLVII {2} . Le revers représentait la Vierge en gloire.
    On avait frappé cette médaille pour célébrer l’échec de l’attentat de Damiens.
    — Je te le promets, Léonard, dit Ponceludon en fourrant l’objet dans sa poche.
    Reprenant la direction du nord, il se retourna une dernière fois et vit l’enfant qui suivait le cheval de loin. En s’apercevant qu’il boitait, il se rappela que, bien des années plus tôt, la petite marchande de sel qui l’avait déniaisé était morte dix jours après qu’une semblable claudication l’eut prise. Il mit son cheval au galop pour chasser, ses sombres pensées.
    La baronne sortit dans la cour du château de Rillieux pour voir son fils et sa nouvelle monture. Elle tenait de son mari un oeil infaillible pour les chevaux, et remarqua aussitôt que Butor « tiquait aux noisettes ».
    — Ce n’est pas grave. Parfois c’est même un signe de caractère, ajouta-t-elle comme pour s’excuser de faire la difficile.
    Elle n’eut pas un mot pour regretter Mandarin et Grégoire n’en parla pas non plus, comme deux endeuillés évitent le sujet de l’être cher. Éléonore Ponceludon de Malavoy avait beaucoup vieilli depuis la mort de son mari. Elle avait d’abord dû apprendre à gérer le domaine, ce qui ne se déroula pas sans pertes financières dans les premiers temps. Après ses années d’études à Lyon, Grégoire était revenu diplômé du Corps Royal des Ingénieurs avec un brevet d’hydrographe. Il soulagea sa mère de la gestion du domaine, et voulut mettre en pratique ses idées sur la régénération de la Dombes. Il demanda aux propriétaires l’abandon des pêches à la période la plus chaude, plus favorable aux miasmes. Ce fut peine perdue. Source d’épidémie pour un petit peuple affaibli, cette eau était un bienfait considérable pour les maîtres dont elle fertilisait les futures cultures de sa vase, alors même qu’elle était le meilleur des viviers à tanches, carpes et brochets.
    Avec un bel étang, on sortait de quinze à vingt muids de poissons par pêche. Le temps de l’assec venu, le « béton », médiocre terre argileuse, enrichie de la décomposition limoneuse, donnait deux fois son rendement ordinaire d’avoine ou de seigle, jusqu’à épuisement, et mise en évolage pour un prochain cycle. Ponceludon, en mettant en assec tous les étangs de son domaine, avait rompu le circuit de l’eau, que ses voisins avaient dû reconstituer à grands frais en contournant le
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