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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule
Autoren: Remi Waterhouse
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    Pour Séverine.
    I
    « J’aimerais mieux un coup d’epée qu’un ridicule. »
Monsieur, comte de Provence
    Le chevalier de Milletail fit craquer la chaise sur laquelle il venait de s’asseoir et promena autour de lui un regard sombre teinté d’ironie. Sa haute stature, ses mains de trappeur et la cicatrice qui marquait sa joue sous l’oreille droite, souvenir d’une baïonnette anglaise, tout était d’autant plus impressionnant que ses gestes étaient doux et précis. D était habillé des meilleurs tissus que fournissent l’Ancien et le Nouveau Monde, mais portait des souliers à bouts carrés, comme les puritains aux Amériques. Un diamant de la plus belle eau attirait le regard sur sa main gauche.
    Quand la soeur ursuline revint, le marquis se leva, plein d’une componction dont ses épaules de portefaix soulignaient l’ironie. La soeur tourna les talons sans rien dire et repartit vers le fond du couloir d’où elle venait, ce qui semblait être une invitation à la suivre.
    Avant de lui emboîter le pas, Milletail eut l’oeil attiré par un tableau placé derrière son fauteuil, juste au-dessus de lui. Il représentait un homme dans la force de l’âge, le ruban bleu de l’ordre du Saint-Esprit barrant son costume d’ambassadeur. L’oeil droit était couvert d’un bandeau, mais le peintre avait mis dans l’oeil valide de ce grand seigneur un rayon d’intelligence d’une pénétration presque maléfique. Un sourire esquissé lui imprimait une moue hautaine, et, la main posée sur l’épaule d’une très jeune femme assise devant lui, l’homme semblait narguer l’observateur. La jeune beauté, au port de tête souverain, nullement écrasée par la superbe de son protecteur, coulait un regard oblique vers quelque objet connu d’elle seule. Cette modestie rien moins que chaste qui éclairait son visage, réussissait le tour de force de transformer en niais, en fat, le borgne triomphant.
    Le marquis, avant de rejoindre la soeur qui s’enfonçait d’un pas de grenadier dans le couloir, souleva son chapeau à l’adresse de la jeune femme du tableau.
    Arrivé devant la haute porte à double battant, l’ursuline s’arrêta, et, pour la première fois, leva les yeux vers le marquis de Milletail.
    — Pas trop longtemps, monsieur. Il est très fatigué...
    Milletail s’inclina d’un air patelin, aussi galamment qu’il est décent envers une religieuse. Elle le fit entrer en s’effaçant, puis referma la porte derrière le visiteur pour le laisser seul en compagnie du malade.
    Le salon-bibliothèque était plongé dans une pénombre traversée par deux rais de lumière qui filtraient des rideaux imparfaitement tirés et projetaient des taches blondes sur le parquet.
    On avait confiné le vieillard dans la bibliothèque du rez-de-chaussée où une pénombre constante lui épargnait des maux de tête. À côté de la cheminée encombrée de potions, face aux sombres rayonnages de sa bibliothèque qu’il ne pouvait plus atteindre, le vieil homme était installé dans un fauteuil dont le velours laissait voir la trame par endroits, et dans lequel on eût facilement placé deux personnes de sa corpulence. Il y était inconfortablement assis, de travers, le buste cassé, n’ayant ni force ni appui pour se maintenir.
    Une expression de résignation morose avait figé le visage du comte Amédée de Blayac, et son oeil unique ne marqua aucun intérêt pour le visiteur qui lui faisait face, chapeau bas. Sans doute un nouveau médecin, ou alors un notaire, ou bien encore un amant de sa femme qui s’intéressait à un tableau ou un tapis qu’elle n’aimait pas... La partie gauche de son corps était totalement paralysée, et le droit était si faible qu’il pouvait avec peine porter sa timbale à sa bouche sans être pris de tremblements.
    Depuis qu’une attaque d’apoplexie l’avait cloué sur ce fauteuil qui lui meurtrissait les chairs, pas un son n’avait pu franchir ses lèvres. Ne pouvoir exprimer la rage où le mettait le peu d’égard des soeurs ursulines pour son corps supplicié mettait un comble à sa torture. Il en arrivait à souhaiter que l’insensibilité qui avait dissous son côté gauche gagnât le droit, et qu’il ne restât plus en éveil que son âme, attendant le jour où elle pourrait quitter définitivement cette bibliothèque. Son ouïe était restée très fine, et il entendait derrière la porte la comtesse qui donnait des instructions aux soeurs, d’une
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