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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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femme lui avait donnés sur la plage. Il ouvrit la fenêtre, la cour commençait
à être envahie par le soleil. En modifiant l’angle de la vitre, il réussit à se
voir comme dans un miroir, la barbe drue, les cheveux ébouriffés, mais le
reflet de son visage lui donna une bouffée d’assurance et presque de gaieté ;
il posa les poissons sur le rebord de la fenêtre, il versa de l’eau dans la
cuvette de marbre blanc veiné de sinuosités grises, enleva sa veste, et
commença à s’asperger le cou, les cheveux, à se frotter les avant-bras ;
le soleil jouait sur le marbre et Vincente se mit à fredonner.
    — Très bien, très bien.
    Il se retourna. La dame de la berline, dans une longue
chemise de nuit blanche, les épaules recouvertes d’un châle, était dans
l’encadrement de la porte, tenant Luigi par l’épaule.
    — On se lave, c’est très bien.
    Elle avait les cheveux défaits, et ils tombaient jusqu’au
milieu du dos, les mèches grises couvrant les noires, plus vieille ainsi mais
peut-être plus belle.
    — Alors vous frappez votre frère, vous ne savez pas où
dormir ?
    Elle se tourna vers la jeune femme.
    — Ferme la porte Lisa.
    Un sourire ironique transformant son visage, Lisa ferma la
porte puis s’y adossa, cependant que Mme Merani s’asseyait sur le lit.
    — Vous avez quel âge, vingt ans ?
    Vincente fit oui de la tête.
    — Nous avons besoin de quelqu’un comme vous, vigoureux,
qui pourrait soigner les chevaux, aider pour les gros travaux, monter à notre
campagne de Gairaut, qu’est-ce que tu en penses Lisa ?
    La jeune femme était à nouveau sévère, bras croisés, visage
sans expression.
    — Nous te logerions ici avec Luigi, ton autre frère,
lui, se débrouillera, c’est le plus vieux.
    — Il faut que je le voie, dit Vincente.
    — Et toi Luigi, tu veux rester ici, tu feras les
courses du docteur ?
    Luigi regarda son frère.
    — Je ne veux pas être cocher, dit Vincente. Mon père
était bûcheron. J’ai été à la manufacture de porcelaine. Je suis ouvrier. Pas
domestique.
    Madame Merani se leva.
    — Qu’est-ce que ça veut dire ouvrier, domestique ?
Je veux quelqu’un qui ait envie de travailler ici et à la campagne. Tu ne seras
pas cocher, mais tu devras aussi conduire la voiture. Réfléchis. Tu as jusqu’à
ce soir. Va voir ton frère. Parlez entre vous. Tu sais…
    Elle avait ouvert la porte.
    — Tu sais, la chance ne passe qu’une fois.
    Elle fit quelques pas dans le couloir, revint.
    — Ne sois pas si fier. Je te tutoie ; tu as l’âge
que pourrait avoir mon fils s’il vivait – elle se signa. Aussi je le dis
pour toi. Ne sois pas si fier, quand on est pauvre on ne doit pas être fier…
2
    Carlo plongea ses deux mains dans la vasque qui, au centre
de la place Garibaldi, recueillait les eaux d’une haute fontaine de bronze. Il
se lava vigoureusement le visage, évitant de frotter la pommette gauche qui
devait être enflée, après le coup de tête qu’il avait reçu. Un gars au poil
noir, trapu, l’avait provoqué juste devant la scène, au café Turin ; ils
s’étaient empoignés, l’autre bondissant et frappant avec son crâne la pommette
de Carlo ; on les avait poussés dehors, ils s’étaient insultés sous les
arcades, puis le bonhomme était parti titubant et Carlo avait croisé une fille,
dans une rue proche de la place. Elle l’avait entraîné. Il s’était retrouvé
dans une soupente, la fille le caressant, et lui riait parce qu’elle
connaissait le corps de l’homme, savait comment il faut le prendre et qu’il
avait toujours rêvé de cela, une femme experte, comme on disait à Mondovi qu’il
en existait à Turin ou à Bologne, et il riait aussi parce qu’il avait donné son
porte-monnaie avec les dernières pièces à Vincente et qu’il ne pourrait pas
payer la fille, qu’il allait l’avoir pour rien.
    — Donne-moi quelque chose, donne.
    Elle touchait ses poches, fouillait dans la musette et tout
à coup elle s’était écartée, son ombre grandissant sur la cloison oblique dans la
lumière tremblante de la lampe à huile.
    — Tu n’as rien, disait-elle.
    Et c’était presque un cri.
    — Tu n’as rien, salaud.
    Elle l’agrippait par sa chemise, et Carlo secouait la tête,
riait. Elle s’était mise à lui frapper la poitrine de ses poings fermés et
Carlo aimait le bruit mat des poings qui résonnait dans son corps.
    — Tu n’as rien ! Salaud, salaud.
    Elle était contre lui
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