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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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à-coups le fil vers lui. Vincente
l’interrogea. Cette rivière qui débouchait ici dans la mer, c’était le Paillon
et la rue Saint-François-de-Paule était là, proche, parallèle au rivage.
    — Derrière les villas des Anglais, dit l’homme.
    Il montrait des bâtiments blancs, entourés de palmiers qui
dominaient la plage.
    — Tu arrives ? demanda l’homme. Ta sœur, ta mère
servent chez les bourgeois de la rue Saint-François ? Tu vas devenir cocher ?
Ou maçon. Vous devenez tous maçons. Regarde, il y a à construire.
    Il montrait le rivage, au delà de l’embouchure et Vincente
distingua, à travers les arbres – des palmiers, des pins –, des
échafaudages, troncs grêles et nus.
    — Ils construisent, ils construisent, ils mangent même
la mer.
    À quelques centaines de mètres à l’ouest, des embarcations
plates, des barges, des péniches étaient surmontées de palans, et sur l’une une
sorte de machine haute, avec un levier qui ressemblait, une masse de fonte
placée à l’une de ses extrémités, à un gros marteau dressé, prêt à retomber.
Elles étaient amarrées à une plate-forme de poutrelles noircies faisant comme
un embarcadère lancé dans la mer depuis le rivage.
    — Quand ils auront mangé la mer, qu’est-ce qui te
donnera ça ?
    Il montrait les poissons que Vincente tenait toujours dans
ses mains.
    — Ils vont reconstruire le Casino, une jetée, ça a
brûlé une fois mais ils recommencent, ils enfoncent des piliers comme des
clous, c’est pas pour toi, c’est pas pour moi.
    Tout à coup il se dressa, donna un coup sec à son fil et se
mit à tirer vite, des deux mains, le fil se tendait comme si une force résistait
puis, peu à peu, l’homme lâchant parfois quelques mètres – et le fil alors
se déroulait – reprenant, tirant régulièrement, il n’y eut plus dans l’eau
qu’une petite longueur de corde.
    — Aide-moi.
    Vincente lui passa une sorte de harpon, que l’homme glissa
sous son bras, et en deux trois mouvements, tirant son fil de la main gauche,
jouant avec son harpon de la main droite, il sortit de l’eau un poulpe gris,
dont Vincente se demanda ce que c’était, comment il pouvait être là, accroché
stupidement par l’un des crocs, le chiffon rouge enfoncé dans cette masse
gélatineuse qui se dilatait et se rétractait, gluante.
    — Il est beau, dit l’homme.
    Il le prit à pleines mains, le retourna comme un fruit qu’on
ouvre, les tentacules retombaient autour du bras de l’homme et Vincente en
éprouva un frisson, mais avec violence le pêcheur jeta le poulpe sur le rocher,
le ramassa, le jeta encore, plusieurs fois.
    — Ça se mange, tu sais, dit l’homme, on le frappe, on
lui casse tous ses petits nerfs, on le frappe fort, longtemps.
    Il riait, tenant le poulpe dans sa main, le soupesant :
    — Tu es tout jeune, dit-il, tu viens de ta montagne, tu
sais rien, vous savez rien vous autres les Piémontais, vous savez travailler,
ah ça, vous savez, on vous met un marteau entre les mains et vous cassez les
pierres, une truelle et vous gâchez du plâtre, ah oui, vous savez transpirer,
vous savez travailler, comme des mulets. Tu es pas un mulet ?
    Il avait fait à ses pieds un tas ordonné de la corde.
    — Écarte-toi.
    Il commença à faire tourner son bras au-dessus de la tête et
l’hameçon habillé de rouge zébra l’air, heurtant durement la vague.
    — Travaille bien, dit l’homme comme Vincente
s’éloignait. Sois un bon maçon.
    Et cette phrase s’accrochait à Vincente, il haussait les
épaules d’un mouvement instinctif comme pour se débarrasser d’un objet qui
pesait, mais à chaque geste alors qu’il escaladait le talus, quittant la plage,
elle le gênait davantage. Il se retourna. L’homme était debout sur son rocher,
lançant à nouveau vers l’horizon d’un mouvement souple qui incurvait son corps,
cette fleur rouge dont la trajectoire se perdait dans le soleil.
    Sur la promenade au-dessus du rivage, entre les palmiers et
les lauriers-roses, passait un fiacre, lentement, avec, à demi étendu sur les
sièges, un homme vieux, au teint couleur brique, sans chapeau et tout habillé
de blanc. Le cocher était une masse noirâtre, une accumulation de
boursouflures. Et Vincente regardant s’éloigner la voiture sut qu’il ne serait
jamais cocher. Maçon peut-être, jamais cocher.
     
    Quand il trouva la maison du docteur Merani, rue Saint-François-de-Paule,
Vincente avait oublié le
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