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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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secouée de spasmes nerveux et ses cris
ressemblaient à des sanglots. Carlo cessa de rire, se tendit ; il la
saisit aux poignets, la secoua.
    — Arrête, dit-il.
    La fille maintenant pleurait doucement, répétant « salaud,
salaud ». Il serra ses poignets ; ils étaient minces, il semblait à
Carlo qu’il pouvait s’il le voulait les briser. Il ouvrit ses mains, enveloppa
la fille de son bras droit, la colla contre lui et se mit à l’embrasser, à la
racine des cheveux, contre l’oreille.
    — J’ai plus d’argent, murmurait-il, je suis arrivé ce
soir de là-bas.
    — Tu es d’où ?
    Elle reniflait, restait contre lui, immobile, calmée.
    — Mondovi.
    — Nous sommes de là-bas aussi. Ma mère est venue…
    Carlo continuait à l’embrasser, tendrement, et d’être doux
ainsi avec elle faisait naître le calme en lui, comme ce jour où, entrant dans
une cour de ferme, il avait aperçu une femme debout les mains sur les hanches
qui le regardait. Il avait un peu plus de seize ans, il traînait dans la
campagne, chapardant, refusant de travailler à la manufacture de porcelaine,
suivant parfois son père dans les hautes coupes de bois, vers les sommets, puis
le quittant quand il en avait assez du bruit de la cognée résonnant dans la
futaie. La fermière s’était avancée vers lui, sous le ciel de l’été piémontais,
quand l’orage est là, qu’il ne crève pas et que pourtant l’air à l’épaisseur
pesante d’un rideau poussiéreux ; Carlo avait continué à marcher vers elle
et sans qu’ils se disent rien, alors qu’ils ne s’étaient jamais vus, ils
savaient l’un et l’autre ce qu’ils voulaient. Elle était la femme qui s’offrait
à la vigueur neuve et il avait posé une main sur sa poitrine. Il était calme, sûr
de lui. Il l’avait suivie dans une chambre aux volets clos. Mais la lumière
passait cependant entre les fissures du bois. Il avait vu la femme soulever sa
jupe, s’en couvrir presque le visage, et ainsi alors qu’elle avait les reins
appuyés au bord du lit, cambrée, il était entré en elle ; il entendait
encore le cri rauque qu’elle avait poussé. Une voix claire avait surgi de lui,
presque en même temps que la certitude, la sensation qu’il était l’un de ces
arbres si droits, si souverains que les bûcherons ne les abattent pas. Ils
tournent autour d’eux, respectueux, les mains nues, touchant l’écorce, flattant
le tronc.
    Ce soir-là, dans la cuisine, le père avait voulu le gifler,
pour rien, un bruit, Carlo s’était levé, poings serrés, bras le long du corps,
lourds comme des glaives. Et la mère avait tout de suite compris,
s’interposant.
    — C’est un homme, avait-elle dit. Tu ne dois plus.
    Le père était sorti. Peu après l’orage avait éclaté, un
souffle froid d’abord, faisant battre la porte, puis les gouttes projetées sur
le sol ; s’écrasant avec le bruit mat, pareilles à des fruits trop mûrs.
L’obscurité aussi, pas celle de la nuit, autre, inquiétante, avec des reflets
violets sur les nuages déchirés.
    — Va le chercher, avait dit la mère.
    Elle lui avait tendu le grand parapluie noir sous lequel on
pouvait se blottir à trois. Mais Carlo avait secoué la tête, restant debout
près de la table, et c’était la mère qui avait ouvert le parapluie, les gouttes
le martelant.
    — Viens avec moi.
    Elle avait tenté de lui prendre le bras et Carlo aurait
voulu céder, mais il était incapable de parler et de bouger, ne pouvant que
refuser. Et la mère avait pris le chemin sous la pluie.
    Carlo avait alors posé, près du fourneau, là où son père
plaçait sa pipe, le paquet de tabac que lui avait donné la fermière.
    « Ne reviens jamais, avait-elle dit en lui tendant le
paquet, ou je te fais jeter dehors par le valet, à coups de fourche. »
    Calme Carlo était sorti de chez lui, nu-tête, ne répondant
pas à Vincente, marchant sans but dans la campagne balayée par la pluie. Plus
tard, quand il était rentré, tous dormaient dans la maison. Il s’était couché
près de Vincente et il lui avait semblé qu’au moment où le sommeil le gagnait,
le père se penchait au-dessus de lui. Mais Carlo était trop las pour ouvrir les
yeux.
    Carlo gardait aussi les yeux fermés dans la soupente,
allongé sur le lit étroit, cependant que la fille parlait, nue près de lui, la
bouche posée contre son aisselle et c’est comme si la voix se perdait dans le
corps de Carlo, comme si le mouvement des
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