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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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jamais raconté à personne, même pas à Roland.
    — C’est Roland ? dit-il.
    Christiane ferma les yeux, fit oui de la tête.
    — Quoi Roland, dit Denise, quoi ?
    Jeanne s’approchait d’elle, essayait de lui prendre les
épaules, de l’envelopper d’affection, Christiane tendait les bras vers sa mère.
    — Quoi Roland, quoi criait Denise, qu’est-ce qu’il y a ?
    Dante interrogea Christiane du regard. Elle ferma à nouveau
les yeux, respira, dit seulement : « Maman ».
     
    La voix annonçait la mort, l’accident, ce fracas là-bas,
au-dessus des lauriers qui bordent l’autoroute, alors qu’on aperçoit déjà les
îles, dans le miroitement de la mer. Il a suffi peut-être d’un reflet ou d’une
inattention de Roland perdu dans le paysage, ce mouvement de la lumière entre
les îles, la masse abrupte des massifs à l’horizon et c’était le moment de la
plus grande beauté, quand le soleil s’efface, ce creux d’angoisse, entre le
jour et la nuit, ou bien la tentation d’aller droit, plus vite, de nier cette
suite de courbes, pour atteindre le but d’un seul jet, et quand on se reprend,
trop forte est la poussée, les lauriers se précipitent et derrière eux dressés,
l’acier et le béton où meurt le désir.
    Denise a écarté les bras comme si la nouvelle de la mort de
Roland était une masse lancée au centre de son corps.
    Elle tombait en arrière, raidie, cambrée, le visage
brusquement rouge. Dante rassemblait sa force pour tenter de lui parler, ne
sachant que répéter : « Denise, Denise » parce qu’il n’y avait à
cet instant entre eux, que les noms, les visages, Roland, Denise. Et Christiane
à genoux près du divan où ils avaient allongé Denise, ne savait aussi que dire :
« Maman, maman. »
    Printemps noir quand la mort s’avance.
    Dante tenait la main de Denise, se reprochait d’être en vie,
comme si un marché avait été conclu quelque part, je donne, je prends, jour
pour jour, sa vie payée de celle de Roland. Denise ne bougeait pas, les veines
gonflées, paraissant suffoquer.
    Jeanne téléphonait au médecin. On hospitalisait Denise le
jour même.
     
    Trois mois plus tard, dans un septembre brumeux, le relief
et le rivage ensevelis, le soleil, le matin, n’apparaissant qu’un court moment,
disque rouge qu’on pouvait fixer, puis estompé à nouveau et la nuit venait
insensiblement comme passe la vie, Denise rentrait.
    Roland était le seul nom qu’elle n’avait pas oublié.
31
    Souvent Dante Revelli allait attendre Elsa, la fille de
Roland, à la sortie de l’école.
    Il arrivait trop tôt, s’asseyait sur l’un des bancs de la
Promenade des Anglais, face à la mer. Il commençait à lire, mais des mouettes
tournoyaient au-dessus d’un remous boueux de l’eau, entraînaient le regard de
Dante vers le rocher de Roba Capéu, le Mont Boron, la courbe de la baie où
s’inscrivait sa vie.
    Il pliait le journal, s’apprêtait à traverser. Deux
électriciens, leur camion garé sur le trottoir, vérifiaient les ampoules des
lampadaires. L’un d’eux, monté dans la nacelle de l’échelle dépliée,
interpellait son camarade, voix des chantiers, fraternité des gestes, et le
rire de l’homme, là-haut, le refrain qu’il entonnait, le juron quand l’outil
glissait, rebondissait sur la chaussée.
    Dante ramassait la pince, l’ouvrait et la fermait, la
soupesait en la tendant à l’autre ouvrier :
    — Un bel outil, disait-il.
    — On aurait pu vous blesser.
    Dante haussait les épaules, souriait :
    — Ceux qui font les marioles sur les échelles, je reste
jamais dessous, je les connais, j’en ai vu.
    L’ouvrier riait :
    — Lui surtout, disait-il, un jour c’est lui qui tombe.
Oh ! t’entends ?
    Voix des chantiers, d’il y a si longtemps.
    La cloche sonnait. Dante murmurait : « Salut les
gars. » Il traversait avec prudence la double chaussée de la Promenade. Elsa
était déjà sortie de l’école, la plus grande au milieu d’un groupe d’enfants,
enjouée, si vive, deux tresses tombant sur ses épaules. Elle apercevait son
grand-père, courait vers lui, en balançant son cartable à bout de bras. Dante
montrait les ouvriers :
    — Ces deux-là, des électriciens comme ça, je t’ai dit
déjà, moi, – sur les chantiers, je travaillais autrement.
    Elsa s’accrochait à sa manche, l’interrompait :
    — Il faut que je te raconte, commençait-elle, Vincent
m’a donné un film pour qu’on le passe en
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