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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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ils n’oublieront
pas.
    — Ces jeunes, tant de jeunes, disait Dante et il riait.
    Ils apercevaient sur le bord du trottoir Sam Lasky et
Violette, les entraînaient. C’était le jour des rencontres. Violette prenait le
bras de Bernard, lui reprochait son silence.
    — Et Roland ? demandait-elle.
    Bernard faisait une moue et ils continuaient à marcher.
    — Vincent, reprenait Violette, au Festival de Cannes,
un enragé.
    Sam se plaçait près d’eux, saisissait l’autre bras de
Bernard.
    — Vous n’allez pas me dire que vous aussi, un
historien, vous croyez à l’avenir de ce carnaval. Si jamais ils affaiblissent
de Gaulle, la France finie. Il restera une région de l’Europe, un appendice de
quelque chose, l’Amérique, l’Allemagne ou l’URSS, voilà ce qui les attend. Et
les communistes, pas si fous, ils sont prudents.
    Il se mit à crier : Vive de Gaulle, vive de Gaulle d’une voix forte, mais on crut autour de Sam qu’il plaisantait et plus loin son
cri repris par les manifestants devint : De Gaulle c’est fini, de
Gaulle c’est fini !
    — Montez à Saint-Paul, dit Sam en retenant Violette,
que je vous explique votre connerie à tous.
     
    Au début du mois de juin, quand la faculté commençait à se
vider, que Gounichet reparaissait, palabrait, à nouveau sûr de lui, que Sonia
et quelques autres occupaient encore des bureaux, collaient des affiches
manuscrites sur le béton – Élections trahison  – ils se
retrouvèrent chez Sam Lasky. Bernard assis près de Violette, silencieux comme
elle, Jeanne la main posée sur le genou de Vincent, Christiane, bras et jambes
croisés qui répétait :
    — Si les étudiants savaient ce que c’est qu’un ouvrier,
mais ce sont tous des bourgeois comme Sonia, oui, comme Sonia.
    Bernard, le premier, avait vu Roland s’avancer sur la
terrasse, puis Jeanne l’avait aperçu et elle ne bougeait pas, regardant
Vincent. Enfin, quand il fut dans l’atelier, Christiane tourna la tête :
    — Papa, dit Roland, en ne s’adressant qu’à elle.
    Elle se levait, le visage exsangue tout à coup.
    — Impossible de vous avoir au téléphone, expliquait
Roland Sylvie m’a dit que tu étais ici.
    Yves les rejoignait.
    — Je viens avec toi, disait-il à Christiane.
    Elle marchait près de Roland qui racontait, cette douleur
dans la nuit qui avait saisi Dante Revelli, la mère affolée, l’ambulance,
Roland prévenu le lendemain, et déjà plus de vingt-quatre heures que Dante
était à l’hôpital.
    — Moi, tu comprends, disait Roland, mes chantiers, ça
ne peut pas attendre, toi (il levait la tête, fixait sa sœur) tu es en
vacances, n’est-ce pas ? Et avec papa tu t’entends bien.
    — Donne-moi seulement le numéro de la chambre,
répondait Christiane.
    Ils s’étaient immobilisés sur la place, Yves continuait de
marcher vers les voitures.
    — Maman ?
    — Je m’en occupe, disait Roland, bien sûr, pour les
frais, je suis là.
    — Tu es là, oui, je sais.
    Christiane s’éloignait. Elle marchait vite, mordant ses
lèvres, ses joues, pour arrêter ses larmes, cette peur violente, ces souvenirs
d’il y a quelques jours à peine, Dante dans le cortège : « J’ai
jamais vu ça, ces jeunes, répétait-il, tant de jeunes. » Ces revues que
lui prêtait Christiane, qu’il lisait : « C’est difficile pour moi,
mais enfin, je recommence et finalement je comprends. Le cerveau, hein, c’est
comme un muscle, tu l’entraînes, non ? »
    Il semblait à Christiane que son père, avec les années,
s’affinait, rajeunissait. Elle lui parlait comme elle aurait parlé à Gérard ou
à Sylvie, il l’écoutait, ce regard si attentif, puis ces désaccords qu’il
formulait en riant : « Vous autres les intellectuels, vous coupez les
cheveux en quatre. »
    Elle allait le découvrir dans cette chambre d’hôpital.
Christiane prenait le bras d’Yves qui s’installait près d’elle dans la voiture.
    — Tu me diras, n’est-ce pas ? murmurait-elle. Je
veux savoir.
    Yves répondait d’un mouvement de tête.
     
    De la hâte et de la prudence dans la manière de conduire de
Christiane. Seconde. Troisième à la sortie du virage. Quatrième. Troisième,
seconde. Elle effleurait à peine la pédale de frein. Code, phare, code.
Première, seconde.
    Déjà la promenade du bord de mer à Cagnes, la tiédeur
douceâtre de l’air, les gestes qui obligeaient à garder le contrôle de soi.
    D’abord savoir. Il faut mourir.
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