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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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Luigi.
    Carlo avait bousculé Luigi :
    — Qui te demande de parler, toi ?
    Luigi s’était éloigné donnant un grand coup de pied dans les
ornières de la route.
    — Ils vont tous là-bas, avait ajouté le paysan.
Peut-être qu’il y en a pour tous.
    — On trouvera, avait dit Carlo. S’il le faut on
traversera la mer.
    Ce premier jour de route, ils avaient eu de la chance, les
charrettes s’arrêtaient sans même qu’ils eussent à faire un signe. « Montez
les gars », disaient les paysans, et les Revelli, épaule contre épaule,
appuyés à des tonneaux qui sentaient le tanin ou à demi couchés sur l’herbe
encore humide, regardaient défiler devant eux la campagne du Piémont. Ils
traversèrent ainsi des villages et des villes, Ceva, Boves, Vievola, Borgo, San
Dalmazzo, les essieux grinçaient sur les pavés inégaux, les roues hautes
cerclées d’acier glissaient parfois sur la pierre et les Revelli étaient
projetés violemment sur l’un des côtés de la charrette cependant que le paysan
lançait une malédiction. Ils couchèrent dans une grange, s’enfonçant dans le
foin frais aux odeurs entêtantes, Vincente préparant un coin pour Luigi,
glissant la musette sous sa tête, le couvrant de sa veste. Carlo assis devant
le portail, adossé à une pièce de bois, fumait, las jambes allongées, une main
sous la nuque, souriant.
    Les deuxième et troisième jours ils marchèrent le long de la
voie ferrée qu’on commençait à construire mais que les trains n’empruntaient
qu’une ou deux fois par jour sur une toute petite partie du parcours. Dans les
tunnels, leur épaule frottait contre la paroi humide, et, chaque fois, quand
enfin ils apercevaient l’arc du jour, Luigi poussait un cri, et les devançant
se mettait à courir.
    Le quatrième matin, alors qu’ils approchaient de la
frontière, ils rencontrèrent le chantier.
    Les hommes courbés sous les traverses et les rails
chantaient du fond de la gorge une mélopée imprécise, triste comme un soupir et
pourtant, d’un seul mouvement, ils se redressaient et avec un rugissement
chargé de force et de colère ils envoyaient loin sur le sol, la barre de bois
ou d’acier. Puis ils s’immobilisaient, silencieux, pensifs, les mains sur les
reins, jusqu’à ce qu’un coup de sifflet strident, claquement de lanière, les
courbe à nouveau, et ils reprenaient leur mélopée qu’accompagnait le battement
des machines à vapeur.
    Vincente regardait.
    — Il y a du travail, murmura-t-il.
    Carlo descendait la pente du talus, se dirigeant vers la
route.
    — On continue, dit-il.
    Le cinquième jour, ils atteignirent un col, à quelques
kilomètres de la frontière. Ils avaient marché au milieu des près, entre les
sapins et les mélèzes, s’enfonçant peu à peu dans l’ombre, puis, au col, le
vent les avait frappés de plein fouet et quand ils avaient repris souffle, le
paysage devant eux était autre. Sec, avec des arbres noueux, des éboulis
couvrant les flancs, des terrasses couvertes d’oliviers dont les murets de
pierres sèches ceinturaient la montagne.
    — C’est un autre air, dit Vincente.
    Ils étaient assis tous les trois, mâchant lentement le pain
gris et le fromage dur.
    — On voit pas la mer, dit Luigi.
    — Derrière, plus loin.
    Carlo montrait les crêtes bleues, lignes brisées qui se
succédaient comme des vagues. Il se leva, prit son jeune frère contre lui.
    — On arrive, dit-il, courage.
    Peu après la frontière, le sixième jour, alors qu’ils
marchaient vers une nouvelle crête, peut-être la dernière, celle qui
ressemblait à un mur de clôture avec ses angles aigus comme ceux du verre
éclaté, il y eut derrière eux le bruit d’une voiture, les grincements du bois
et la voix du cocher, le martèlement des sabots sur la terre sèche. Les deux
chevaux étaient couverts de sueur, ils avançaient au pas et les portières de la
Berline étaient ouvertes. Le cocher ne regarda même pas les Revelli. Somnolent,
le chapeau sur les yeux, il ne devait voir que l’échine des chevaux, mais après
les avoir dépassés d’une centaine de mètres, la voiture s’arrêta. De l’homme
qui était descendu Vincente n’aperçut d’abord que les lunettes cerclées d’or,
puis la canne à pommeau d’argent, et barrant l’estomac la chaîne de montre,
lourde, dorée. Il tendait la main à une femme qui soulevait sa robe noire, qui
mettait avec précaution la pointe de son soulier sur le marchepied, puis sur
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