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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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pêcheur et le fiacre. Le contraste était grand entre
le rivage, la promenade du bord de mer découpée en angles vifs par la lumière
solaire et cette rue encore noyée dans l’ombre, fraîche et pourtant si proche
de la mer. Rue cossue, austère, avec au bout, vers l’est, un rocher dominé par
une tour féodale, sans doute le cap que Vincente avait longé, venant du port.
Le docteur habitait une construction de trois étages, ornée de bas-reliefs, de
cariatides ; les balcons du troisième étage étaient soutenus par des
pattes de lions. Au-dessus de la porte de chêne, dans une mosaïque verte et
bleue, était inscrit « Maison Merani ». Une jeune femme astiquait les
poignées et le heurtoir de cuivre de la porte. Elle s’accroupissait pour polir
les barres de cuivre du soubassement, puis elle se dressait sur la pointe des
pieds. On la devinait musclée, nerveuse, sa robe grise serrée à la taille
dessinait son corps et comme ses manches étaient retroussées, Vincente vit sa
peau brune recouverte d’un léger duvet.
    Elle se retourna avec vivacité, baissant d’un seul geste les
manches de sa robe, regardant droit dans les yeux, sévère, un pli profond
partageant son front, deux légères rides griffant ses joues de part et d’autre
de la bouche.
    Vincente commença à parler, mais elle l’interrompit sans que
son visage se détendît :
    — Vous êtes le frère de l’autre, ceux qui sont si
fiers, qui préfèrent marcher, Madame m’a raconté.
    Elle lui fit signe de la suivre. Ils longèrent la façade,
entrèrent sous un porche qui donnait dans une cour pavée. Un puits, sur l’un
des côtés, des hangars faisant face à l’entrée et par un portail ouvert,
Vincente vit la berline qui s’était arrêtée sur la route, le sixième jour.
    — Il doit dormir encore.
    La jeune femme guidait Vincente. Au-dessus des hangars il y
avait de petites fenêtres, celles des logements des domestiques. Un vieux
couple que Vincente croisa dans le couloir. Vincente reconnut le cocher.
    — C’est l’autre, dit l’homme à sa femme. Alors, bien
marché ?
    La jeune femme ouvrait une porte et Vincente vit son frère
qui dormait, les bras écartés, étendu en travers d’un grand lit. Il avait
seulement enlevé ses chaussures.
    — Il est sale, dit la jeune femme.
    Elle poussait les volets.
    — Il n’a pas voulu se laver. À la ville, on se lave.
    Vincente secoua son frère violemment.
    — Debout Luigi, on s’en va, debout.
    Luigi se réveillait lentement, frottant ses yeux avec le
revers de la main, Vincente le prit par la chemise, l’assit de force, le poussa
hors du lit.
    — Qu’est-ce que tu attends ? J’ai dit debout.
    Luigi se dégagea et Vincente, du revers de la main, lui
donna une gifle qui atteignit le bas de la joue et les lèvres. Un geste
échappé, tant de fois subi, vu, quand le père rentrait, qu’il voulait que le
silence s’établisse et que tout à coup, sans raison, il saisissait Carlo ou
Vincente et les giflait à toute volée, comme s’ils avaient été l’un de ces
arbres à abattre. Et maintenant c’était Vincente qui donnait des coups. Parce
que Luigi était le frère, qu’en le frappant on se frappait soi. On faisait
sortit cette colère contre les autres qu’on n’osait pas atteindre.
    La jeune femme repoussa Vincente. Elle avait une moue de
mépris.
    — Laissez-le.
    Elle s’était placée entre Vincente et Luigi, faisant face à
Vincente, et il recula, honteux d’avoir répété ce geste qui l’avait révolté,
là-bas, chez eux, quand son père, pour se venger de quoi ? de qui ?
les poursuivait la rage au bout des doigts. Puis il s’asseyait près du
fourneau, silencieux, la pipe serrée au coin de la bouche, les yeux dans les
flammes et Vincente blotti dans un coin de la cuisine se mettait alors à
pleurer, non pas des coups reçus mais de cette fatigue tombée sur le corps du
père immobile et il avait envie de lui crier « frappe-moi, tu as raison,
frappe-moi si cela te rend la force ».
    — Ne le touchez plus, disait la jeune femme.
    — Il doit venir avec moi, dit Vincente à voix basse.
    — Où allez-vous dormir ?
    Vincente haussa les épaules.
    — Il ne fait pas froid ici, dit-il.
    Elle prit Luigi par la main, résolue.
    — Viens, nous allons voir Madame.
    Avant de fermer la porte, elle se retourna.
    — Il y a de l’eau dans le broc, vous sentez le poisson.
    Vincente avait encore dans les mains les trois poissons que
la
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