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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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lèvres, pour dire des mots qu’il
n’écoutait pas, n’avait été qu’une autre façon de l’embrasser. Elle avait posé
sa main à plat sur la poitrine de Carlo et de temps à autre, elle le caressait,
se blottissant plus encore contre lui ; « tu es fort »,
disait-elle, et elle se mettait à rire, « je suis petite », et elle
riait encore.
    Tôt le matin, le soleil entrant dans la soupente, Carlo
s’était réveillé, se souvenant difficilement qu’il était à Nice, le visage lui
faisant mal. La fille était assise, les jambes croisées, sur le lit. Ses cheveux
noirs tombaient, de part et d’autre du visage, jusqu’aux seins. Elle regardait
Carlo, passive.
    — Tu es seule ? avait-il demandé.
    Elle avait dit oui, la lèvre boudeuse, comme prise en faute.
Ils étaient sortis alors que passaient les premiers charrois qui montaient du
port, chargés de charbon, de tonneaux, les charretiers insultant et stimulant
les bêtes de leurs jurons hurlés. Sur le port, le travail avait commencé. Le
pont des tartanes arrivait au ras des quais et des dockers faisaient rouler les
tonneaux, ou avançaient pliés sous des sacs de blé.
    — J’ai faim, dit la fille.
    Elle avait relevé ses cheveux qui formaient une boule
irrégulière d’où s’échappaient des mèches qu’elle tentait d’un geste machinal
de rassembler.
    — Comment tu t’appelles ?
    Carlo aussi avait faim. À la campagne, tout est plus simple.
Il lui suffisait de sauter un fossé, de franchir un mur, pour remplir sa chemise
de pommes aigres ou de prunes.
    — Maria, dit-elle. J’ai rien, je comptais sur toi.
    Elle s’était remise à rire, pendue à son bras.
    — Salaud de paysan.
    Ils s’étaient arrêtés devant la baraque qui servait de
bureau d’embauche des dockers. Mais un groupe d’hommes aux vêtements délavés
attendaient déjà, les bras croisés, certains assis sur des planches entassées :
trop de mains, trop de dos, comme à Mondovi, comme à Turin ; trop d’hommes
qui ont besoin de pain.
    Carlo cracha.
    — Partout pareil, dit-il.
    — Tu croyais quoi ?
    Plus rien maintenant. Il suffisait de voir ces hommes
silencieux, pour comprendre que l’attente allait reprendre, comme là-bas.
    « Qu’on me donne une hache et des arbres et ils verront
si je ne peux plus », disait le père certains mois quand le travail
manquait, qu’on le trouvait trop vieux et que l’attente devenait une maladie sourde.
Enfin, un matin, on était venu le chercher : « Toi aussi Revelli,
monte. »
    Il avait sauté sur la charrette et les bûcherons lui avaient
fait place échangeant de grandes tapes sur l’épaule. Ils partaient pour deux
mois dans les hautes vallées.
    Les camarades l’avaient ramené quelques jours plus tard. « C’était
une coupe dangereuse », disaient-ils. Carlo l’avait remplacé le lendemain
du jour où on l’avait porté en terre. Mais il n’y avait pas assez d’arbres pour
tous ceux qui savaient tenir une hache. Et dès ce moment-là il avait décidé de
quitter le pays.
    Mais la mère, ses bras qu’elle nouait autour du cou de
Carlo, « Ne nous laisse pas », disait-elle. Il lui caressait les
cheveux, il ne répondait pas, il travaillait, bûcheron, maçon, paysan au moment
des récoltes, charretier et même quelques mois, carrier, quand il revenait
blanc, chaque parcelle du corps, chacun de ses poils, même ceux de la poitrine,
même ceux du sexe, couverts d’une poussière fine qui s’incrustait dans les plis
de la peau. Il occupait maintenant la place du père dans la cuisine et la mère
le servait le premier. Il giflait Luigi, il ne regardait pas Vincente, qui
gagnait sa part à la manufacture de porcelaine. Le soir, l’été, il montait vers
la place de Mondovi-la-haute, s’asseyant sur les murets, face au café que
fréquentaient les bourgeois en veste et gilet noir.
    Ils étaient une dizaine de jeunes hommes assis épaule contre
épaule qui se connaissaient depuis l’enfance et qui disparaissaient les uns
après les autres, ils partaient, vers la France, l’Argentine, l’Amérique,
d’autres simplement vers Turin. L’un d’eux était revenu de Nice. « Du
travail, disait-il, tant qu’on en veut, il y a les routes, la gare, le Palais
qu’ils construisent dans la mer, et les maisons des Anglais. » Il avait
saisi sa montre de gousset, « de l’argent, il y en a ». Il repartait
bientôt pour là-bas. « Les femmes, c’est pas comme ici »,
ajoutait-il. Il
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