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Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
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le rattrapant, le prenant aux épaules, le bourrant de
coups de genou dans les reins, de coups de poing dans les épaules, « j’ai
dit fous le camp ».
    Vincente s’asseyait sur une borne, regardait son frère
s’éloigner et ne pouvait lui en vouloir. Il trouvait même juste que Carlo le
frappât, c’était la loi. Lui ne l’appliquait pas à Luigi. Mais il n’était pas
l’aîné des Revelli, seulement le second.
    Carlo répéta :
    — Va te coucher, cherche cet hôtel et demain à sept
heures sur la place, tu trouveras, pense aussi à Luigi.
    C’était sans appel. Mais il y avait la ville inconnue
encore, cette rumeur du café, ces lumières qui retenaient comme de la glu.
Carlo se retourna vers Vincente et celui-ci se leva.
    — Tu vas vers la rivière, dit le vieux, il y a un pont,
l’église du Vœu et tout à côté, l’hôtel du Chapeau rouge.
    Vincente retint la porte du café, il resta un instant, regardant
la salle, enveloppé encore par la musique et la fumée.
    Carlo se dirigeait vers les tables près de la scène, où des
jeunes gens, le visage rouge, interpellaient les danseuses et riaient en se
donnant des bourrades. Carlo s’assit près d’eux, sa musette dans le dos, et
quand Vincente le vit lancer une pièce d’or sur la table, il laissa retomber la
porte.
     
    Le silence, la lumière prisonnière des arcades entourant la
place. Vincente la traversa, il vit une rue qui descendait sans doute vers la
rivière et la suivit. Mais au bout, il y avait le port, l’éclat intermittent du
phare, le ressac contre la jetée et au bord des quais qu’il se mit à longer, le
heurt sourd des coques protégées par de gros sacs de corde tressée, le
craquement du pont des barcasses et des tartanes, l’odeur de la mer, neuve pour
Vincente, et qu’il se mit à aimer, lui qui n’avait vu que les collines et les
montagnes, qui avait couru de châtaignier en châtaignier cependant que son père
plaçait dans un panier d’osier les cèpes bruns, fibreux et moelleux comme de la
viande trop fraîche. Vincente eut envie de toucher la mer et s’éloignant du
port, remontant vers une masse rocheuse, haute et hostile qui tombait comme un
cap, fermant la vue du côté de l’ouest, il trouva une route étroite qui, à flanc
de falaise, contournait le rocher, surplombait la mer et les vagues qui
s’engouffraient dans les dentelures du cap. Quand il fut à sa pointe, Vincente
vit à nouveau devant lui la baie des Anges, la mer dans un miroitement
d’écailles. Il descendit vers la grève, se déchaussa, entra dans l’eau fraîche
et se mit à lancer des cailloux au plus loin qu’il pouvait, faisant éclater en
gerbes les pans de lumière. Il marcha ainsi au bord de l’eau. Des barques
étaient serrées l’une contre l’autre sur la grève, à demi recouvertes par des
bâches. Vincente se glissa dans l’une d’elles et recroquevillé, la musette sous
la tête, dans l’odeur de sel et le bruit de l’eau, il s’endormit pour la première
fois loin des forêts.
    Dans l’aube voilée de ce mois d’octobre 1888, les pêcheurs
le réveillèrent. Ils étaient pieds nus, les pantalons de lourde toile
retroussés sur les mollets. Ils faisaient glisser les barques vers la mer.
    — Qu’est-ce que tu fous ? Allez, sors de là.
    Ils étaient sans colère.
    — Pousse.
    Certains montaient dans les barques avant même qu’elles
aient atteint l’eau, d’autres sautaient lestement alors que la vague battait
déjà leurs genoux. Vincente s’assit, les regardant s’éloigner cependant que le
soleil dessinait la baie à grands coups de lumière blonde. Des femmes vinrent
peu après, s’asseyant sur les filets qu’elles commençaient à recoudre. Elles
étaient, elles aussi, en noir, un foulard serrant leur front.
    — Tu viens de la montagne ?
    — Je cherche du travail.
    — Tire les barques quand ils rentrent, et ils te
donneront du poisson.
    Elles parlaient entre elles, sans que Vincente puisse
comprendre, l’une d’elles parfois levait son visage et son cou vers le ciel et
riait fort, avec tout le haut du corps, puis brutalement elle cessait, à nouveau
courbée, les doigts glissant entre les mailles couleur de sang séché des
filets.
    Vincente n’eut pas le sentiment d’attendre. Le soleil de
plus en plus chaud l’engourdissait, il était obligé de fermer les yeux pour
affronter cette lumière qui bruissait sur la mer à peine craquelée. Trop de
couleurs aussi, trop franches, pour
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