Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
la
terre, et dont les doigts étaient dissimulés par des gants ajourés, blancs et
longs. Le cocher sur son siège s’était retourné.
    — Vous marchez depuis longtemps ? demanda l’homme.
    — C’est le sixième jour, dit Carlo.
    La dame s’approchait de Luigi, et ses doigts se perdaient
dans les boucles noires du jeune Revelli, démêlant les cheveux collés par la sueur.
    — Lui aussi ? interrogea-t-elle.
    — Lui aussi, comme nous, dit Vincente.
    — Mais c’est un enfant.
    — Ils sont vigoureux, dit l’homme.
    — Tu as quel âge ? demanda la dame.
    Luigi haussait les épaules, se tournait vers Vincente.
    — Il a dix ans, c’est notre frère.
    — Et vous allez ? commença la dame.
    — Bien sûr qu’ils vont à Nice, dit l’homme, où veux-tu
qu’ils aillent, ils viennent tous, c’est leur rêve, ils s’imaginent que tout
est facile, qu’ils vont faire fortune.
    — Simplement manger, dit Vincente.
    — Avance, dit Carlo en donnant à Luigi une bourrade.
    Luigi se mit à marcher, lentement, se retournant souvent,
laissant glisser sa main le long du flanc des chevaux, s’attardant près d’eux
alors que déjà Carlo et Vincente étaient loin, que Vincente lui criait : « Allons,
viens. »
    La route s’élevait rapidement au milieu des arbustes, le
soleil tombait droit sur les nuques et le chant des cigales avait une
épaisseur, comme s’il était une couche de matière bruissante, étendue au-dessus
du sol, invisible mais dans laquelle la tête était plongée et dont elle ne
pouvait se dégager. Les Revelli marchaient. Carlo lui-même avait baissé la
tête. Ils avançaient, obstinés, résolus. Ils n’entendirent même pas la voiture
qui les avait rejoints, qui roulait derrière eux. Le cocher les interpella de
la voix dont il parlait aux chevaux. L’homme était penché à la portière.
    — Nous allons à Nice, dit-il, montez. Un avec le
cocher, un derrière, sur le coffre, nous prendrons le gosse.
    La dame se penchait aussi, ses cheveux, noués en chignon
très haut sur la nuque, étaient parcourus de mèches grises qui se perdaient
dans le noir brillant des autres mèches.
    Carlo s’était arrêté, les mains passées dans sa large
ceinture, les jambes écartées.
    — S’ils veulent monter, dit-il.
    Vincente et Luigi s’étaient rapprochés de leur frère.
    — Qu’est-ce que vous racontez ? dit l’homme.
    Il se mit à rire, se tourna vers la dame.
    — Tu les entends.
    — Votre jeune frère est fatigué, dit-elle, laissez-le
monter.
    Elle descendit de la voiture, prit Luigi par l’épaule.
    — Mon mari est le docteur Merani, dit-elle, nous sommes
à Nice au 18, rue Saint-François-de-Paule, tout le monde connaît le docteur
Merani, si vous ne voulez pas monter, je garderai ce garçon jusqu’à votre
arrivée.
    Vincente regardait les mains sous la dentelle blanche.
    — Qu’ils montent eux aussi, dit le docteur Merani,
qu’est-ce que c’est que ces comédies ?
    Vincente se pencha vers Luigi.
    — Va, dit-il, nous serons là-bas demain.
    Il se redressa.
    — Nous finirons la route à pied.
    Le docteur Merani s’était rencogné dans la voiture ;
avec sa canne il battait le marchepied. Carlo marchait déjà. Il y eut le claquement
des portières, le beuglement du cocher, le grincement des roues. La voiture
dépassa Carlo et Vincente, Luigi était à la portière. « Venez »,
semblait-il dire par ses gestes de la main, mais il n’osait pas crier.
     
    Les deux frères marchèrent côte à côte, plus vite, dans le
soleil immobile des milieux d’après-midi, puis vers la fin de la journée, alors
que l’horizon passait du bleu au rouge en une vibration insensible de teintes,
se recouvrant l’une l’autre au fur et à mesure que la nuit gagnait, le ton
grave des rouges l’emportant peu à peu, ils s’arrêtèrent près d’un mur en
ruine. Devant eux, enfin, ils aperçurent l’arc ouvert, profil d’une embarcation
légère, l’un de ces esquifs qu’on voit sur les poteries grecques, à peine
soulevés par la vague, la ligne courbe enveloppant l’horizon, la baie des
Anges. Et Nice dont ils distinguaient les terrasses des Ponchettes, surfaces
blanches soulignant le dessin du rivage, les toits couleur sanguine serrés
autour du dôme des églises qui, couverts de tuiles vernissées, faisaient un instant
renaître la lumière violente.
    — Voilà, dit Carlo.
    Il prit en courant un sentier qui, raide, descendait vers la
baie.
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher