Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Néron

Néron

Titel: Néron
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
des noms, et les assassins s’éloignaient, la main serrant déjà la garde de leur glaive.
     
    Cela pouvait-il durer ?
    Caligula faisait tuer tous ceux qui, par leurs origines ou leurs alliances, étaient apparentés à la famille de César et d’Auguste. Le sang des empereurs coulant dans leurs veines, il fallait donc les égorger, les vider de ce sang qui en faisait des rivaux. Et le fils d’Agrippine, cet enfant de quatre ans qui dérobait son regard empli d’angoisse, mais qui pouvait aussi tout à coup se redresser, les yeux flamboyant de haine, avant de se tasser à nouveau comme un animal prudent qui regrette d’être sorti de sa tanière, d’avoir montré ses canines et ses griffes, était, par sa mère, l’un de ces descendants d’Auguste.
    Je disais à Sénèque :
    — Il n’a que quatre ans, mais il ressemble déjà à Caligula, à Agrippine. Est-ce le sang de César qui, dès leur naissance, fait de ces humains des fauves ?
    J’appréciais les réponses mesurées de Sénèque.
    Je l’avais rencontré alors que je servais l’empereur Tibère. Son port altier, son visage qui exprimait la volonté et la virilité, son éloquence souveraine, qui en faisait le meilleur orateur du Sénat, l’avocat le plus célèbre, sa rhétorique de philosophe stoïcien prônant la sagesse et l’acceptation de ce qu’on ne peut maîtriser et organiser m’avaient séduit.
    Il avait une quinzaine d’années de plus que moi et me considérait comme l’un de ses proches parents. J’avais, comme lui, des origines espagnoles. Il était né à Cordoue, à l’instar de mes ancêtres.
    Nous marchions lentement dans les jardins de sa villa romaine. On le disait riche et ses esclaves en effet étaient nombreux à l’ouvrage autour des massifs de fleurs.
    — Le sang des César est semblable à celui de tous les hommes, épiloguait-il. Il est tiède et poisseux. J’ai vu des nobles romains mourir, les veines ouvertes, et leur sang avait la même couleur que celui de leurs esclaves que l’on tuait près d’eux. Non, Serenus, les hommes deviennent des fauves parce qu’il n’y a pas de règle de succession au sommet de l’Empire. Il y faut tuer pour ne pas être tué. Les lois de l’élection, chères à la République, ne sont plus en usage pour désigner l’empereur. C’est le glaive qui l’emporte, et non le vote. Celui qui veut être empereur doit compter sur les prétoriens et non sur les citoyens ; sur les généraux, les gouverneurs, et non sur les sénateurs. Le temps de la République, le temps d’avant César ne reviendra pas.
    — Le sang, alors ? Le poignard et le poison, l’assassinat ? La puissance sans limites d’un homme que le pouvoir rend fou…, m’insurgeais-je.
    Sénèque me prenait par le bras et, la tête penchée, comme s’il se parlait à lui-même, murmurait :
    — Il faut que l’empereur soit un homme sage qui ne succombera pas à la folie du pouvoir suprême qui fait de lui l’égal d’un dieu. Il faut qu’il gouverne avec mesure et clémence, dans l’intérêt de l’Empire, et qu’il ne cherche pas seulement les plaisirs que donne la puissance illimitée. Il faut que quelques hommes autour de lui le rappellent à la raison, à la sagesse, qu’ils deviennent ses amis, ses conseillers.
    — Caligula ? demandais-je.
    Sénèque regardait autour de lui puis concluait :
    — Seuls les poignards peuvent interrompre sa course. Des hommes, déjà, j’en suis sûr, affûtent leurs lames. Ne t’en mêle pas, Serenus. Notre temps, celui de la sagesse, n’est pas encore venu.
     
    C’était au contraire l’extravagance, le soupçon, la cruauté qui régnaient.
    Caligula se grimait en gladiateur thrace ou en cocher. Il montait sur scène et, tel un histrion, chantait, dansait, récitait, puis bondissait dans la salle, fouettait un spectateur qui, selon lui, avait, par ses murmures ou sa toux, troublé le spectacle.
    Il s’approchait de moi, menaçant, m’entraînait et me questionnait à propos de ce fils d’Agrippine, des conspirations qui se nouaient et dont je devais être averti.
    — Je suis prêt à me tuer, clamait-il, si tu me juges, toi, Serenus, digne de mourir !
    Alors il riait, m’annonçait qu’il avait fait préparer par ses affranchis un poison dont il avait fait vérifier l’efficacité en l’inoculant à des gladiateurs et à des esclaves. Ceux-ci avaient hurlé, le corps tordu de douleur, et c’était le plus étrange des spectacles
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher