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Néron

Néron

Titel: Néron
Autoren: Max Gallo
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vivants que la mort a saisis avant moi.
    Sénèque croyait en l’immortalité de l’âme.
    Peut-être n’existe-t-elle que parce que des hommes écrivent les histoires des vies, qui sont celles des âmes.
    Ceux que j’ai vu crucifier croyaient, fidèles à l’enseignement de leur Dieu Christos, à la résurrection. Si un Dieu m’a protégé, c’est celui-là, et c’est Lui qui m’oblige à commencer de rédiger ces Annales où je dirai ce que j’ai vu, ce que j’ai appris, ce que j’ai vécu.
    Ainsi les âmes renaîtront-elles.
    Car je crois, comme les chrétiens, à la résurrection.

 
     
     
     
     
PREMIÈRE PARTIE

 
     
1
    J’ai vu Néron le jour de sa naissance.
    Il était couché, le torse nu, le bas-ventre enveloppé d’un tissu blanc, sur une dépouille de lion. Les pattes du fauve, avec leurs longues griffes crochues, pendaient de part et d’autre du lit comme si elles venaient à peine de lâcher l’enfant dont la peau, çà et là violacée, portait encore les marques de leur étreinte. Béante et noirâtre, la gueule de l’animal paraissait menacer de ses canines la tête ronde du nouveau-né.
    — Regarde cet enfant jusqu’à ce que tu puisses me décrire chaque pore, chaque pli de sa peau, m’avait dit Caligula.
    L’empereur s’était approché de moi.
    — Renifle-le, avait-il poursuivi. Touche-le. Il est de mon sang, celui de César et d’Auguste.
    Il avait d’abord souri, puis le bas de son visage s’était peu à peu déformé en ce qui devint une grimace, la lèvre inférieure boudeuse, les maxillaires crispés, le menton en avant.
    Il avait baissé la tête comme pour dissimuler son regard, mais je voyais ses sourcils froncés, son front tout à coup fendu par une profonde ride médiane.
     
    C’était la première fois que je me trouvais à quelques pas de Caligula.
    Il avait accédé à la dignité impériale depuis neuf mois, à la mort de Tibère que j’avais servi durant deux années.
    La plupart des chevaliers et des affranchis qui avaient été des fidèles de l’empereur disparu avaient quitté le palais. On murmurait que nombre d’entre eux avaient été assassinés par des prétoriens fidèles à Caligula, et l’on prétendait même que ce dernier avait empoisonné Tibère dont il était pourtant le petit-fils adoptif, le père de Caligula, Germanicus, ayant été adopté par le défunt empereur.
    Un affranchi de Tibère – il s’agissait de Nolis, mais je n’ai reçu cette confidence de mon régisseur qu’aujourd’hui – m’avait raconté dans un sombre recoin du palais impérial l’agonie du maître de Rome qui, le corps tordu par le poison, avait résisté longtemps, s’agrippant au bras du serviteur chargé par Caligula d’ôter l’anneau impérial du doigt du mourant. Pris de peur, l’homme avait cherché à dégager son bras.
    Avec mépris, Caligula l’avait écarté, puis il avait écrasé sur le visage de Tibère un oreiller pour l’étouffer, et comme l’empereur se débattait encore, donnant de grands coups de pied, il l’avait étranglé de ses propres mains. Un témoin de la scène, fidèle à Tibère, s’était récrié, dénonçant l’atrocité de ce crime : un parricide. Caligula l’avait fait saisir par ses prétoriens, et l’homme avait été aussitôt crucifié.
     
    J’avais écouté ces récits. J’avais vu disparaître les proches de Tibère et je n’avais cependant pas cherché à fuir.
    Depuis Gaius Fuscus Salinator, ma famille n’avait aucune autre ambition que de servir celui ou ceux que les citoyens et le Sénat désignaient pour incarner Rome, d’abord la République, puis, après César et Auguste, l’Empire.
    Quant à choisir ou à préférer tel maître à tel autre, mon père m’avait conseillé dès l’adolescence de laisser les dieux et la fatalité, ou le poignard et le poison qui en étaient les instruments, distinguer celui qui devait succéder à l’empereur défunt.
     
    Caligula avait donc glissé à son doigt l’anneau de Tibère. Et j’avais survécu, poursuivant ma tâche au palais, laquelle consistait à faire connaître aux sénateurs les intentions de l’empereur et à rapporter aux conseillers de ce dernier les réactions du Sénat.
    J’étais, de ce fait, comme un guetteur qui, de son poste d’observation, suit les mouvements des légions et des armées ennemies sur le champ de bataille. Je recueillais toutes les rumeurs.
    Il m’avait suffi de quelques jours pour
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