Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Néron

Néron

Titel: Néron
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
refusaient à boire autant qu’il le leur ordonnait. C’est ce dernier Ahenobarbus qu’Agrippine avait choisi pour époux.
    Une telle famille pouvait être associée à celles dont étaient issus les empereurs, et le mépris de Caligula m’avait donc surpris.
    À moins que ce ne fut qu’un leurre.
     
    Les mains derrière le dos, l’empereur tournait autour de moi en marmonnant, tout en m’observant.
    — Pars pour Antium, avait-il repris. Tu y arriveras demain matin.
    Il avait levé la tête, fermé les yeux.
    — Tu respireras l’air salé de la mer, tu verras les trirèmes dans le port. Je t’envie, Serenus.
    Puis il avait à nouveau laissé retomber son menton sur sa poitrine.
    — Je veux savoir si cet enfant me ressemble.
    Il avait secoué la tête.
    — Pourquoi veux-tu que je fasse confiance à Agrippine ?
    Il avait souri, puis s’était mordillé les lèvres, et, tout à coup, sa voix, cessant d’être enjouée, doucereuse, s’était durcie, devenant tranchante.
    — Agrippine est de mon sang. Si elle a choisi d’épouser cet Ahenobarbus, crois-tu que je puisse imaginer que ce soit par amour ? Elle se sert de ce lourdaud pour se faire engrosser comme une vache sacrée par un taureau, et tu voudrais que je ne me méfie pas ?
    Il avait posé lourdement la main sur mon épaule.
    — Serenus…, avait-il commencé pour s’interrompre aussitôt et me dévisager d’un regard soupçonneux. Un empereur n’a que des ennuis, et ceux qui paraissent le servir peuvent à tout moment le trahir, le poignarder ou l’empoisonner.
    Il avait penché la tête sur son épaule gauche tout en me fixant de ses yeux mi-clos.
    — Toi aussi, Serenus. Est-ce que je connais tes pensées ? Tu as servi Tibère. Peut-être veux-tu le venger et imagines-tu que je l’ai tué ?
    Il avait haussé les épaules.
    — Pars pour Antium et flaire l’enfant. Écoute ce qu’on dit de lui. Souviens-toi : il faut écraser l’œuf du serpent si l’on ne veut pas qu’il vous morde plus tard.
    Il m’avait repoussé d’un geste brutal.
    — Va, va, avait-il dit.
    J’avais quitté Rome avant que la nuit tombe.

 
     
2
    Je me suis approché du lit où reposait l’enfant.
    Des taches noires lui maculaient le cou, comme des empreintes de griffes ou de doigts. La peau de ses bras et de son torse était violacée, parsemée de marques brunâtres.
    Il était immobile, éclairé par deux lampes à huile posées de part et d’autre du lit. Le reste de la pièce était plongé dans la pénombre et une foule d’hommes et de femmes s’y pressaient, se tenant assez loin du rectangle de lumière pour éviter d’être vus et reconnus près de l’enfant.
    J’étais le seul à m’être avancé, suivi des deux prétoriens qui m’avaient fait escorte depuis Rome.
    Je suis resté quelques instants debout au pied du lit à fixer l’enfant immobile aux yeux clos. J’ai frissonné. Il m’a semblé que les dieux hésitaient à lui accorder la vie, le retenant encore dans le royaume d’avant. Puis j’ai reculé, me glissant parmi les silhouettes indistinctes.
    Quelqu’un a chuchoté près de moi que l’enfant était né les pieds devant et que c’était toujours un mauvais présage.
    Une autre voix a murmuré qu’il était le fils d’Agrippine et que l’on nommait agrippa cette façon de naître en présentant les pieds au lieu de la tête, comme si l’enfant tentait de fuir sa mère tandis que celle-ci voulait le garder, l’étouffer, l’étrangler même.
    — Regardez ces traces sur sa peau, a ajouté quelqu’un. On dirait un serpent.
    À l’instant où je me souvenais des propos de Caligula sur l’œuf de serpent qu’il convenait d’écraser, la pièce a été éclairée. Des esclaves posaient des lampes dans les niches et les visages des hommes et des femmes sortirent de l’anonymat.
     
    J’ai reconnu Domitius Ahenobarbus, le père de l’enfant, qui, les deux mains croisées sur son ventre rond, se tenait au premier rang. Près de lui, appuyée à son épaule, une femme au visage maigre, aux cheveux relevés en chignon, regardait autour d’elle d’un regard provocant. C’était Lepida, la sœur de Domitius Ahenobarbus, dont on disait qu’elle avait longtemps été l’épouse incestueuse de son frère, tout comme Agrippine l’avait été de Caligula ; on expliquait que ces unions sacrilèges avaient rapproché Agrippine de Domitius Ahenobarbus. Qui sait si ces deux couples monstrueux ne
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher