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Néron

Néron

Titel: Néron
Autoren: Max Gallo
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des nuits, engloutissait tant de mets et de vin qu’il en perdait connaissance, et il fallait que l’un de ses guérisseurs, se penchant sur lui, lui chatouille la gorge avec une plume d’oiseau pour qu’il vomisse et reprenne conscience.
    Il était alors à nouveau saisi par la terreur, prétendant qu’on avait voulu l’empoisonner, et il suffisait que l’un de ses courtisans, pour satisfaire ses rancœurs personnelles, lui murmurât un nom, fit état d’un soupçon, pour que le malheureux ainsi dénoncé fut aussitôt mis à mort.
     
    J’avais rappelé tout cela à Sénèque, ajoutant que Claude aimait à faire souffrir, à voir mourir, se penchant sur le visage des gladiateurs blessés pour jouir des grimaces de leur agonie. Ou bien, restant seul dans l’arène, à l’heure de midi, quand les spectateurs se retiraient pour déjeuner, il ordonnait qu’on livrât des hommes aux bêtes ou qu’on fit se battre entre eux jusqu’à la mort des machinistes, des esclaves, des serviteurs qui avaient tardé à tirer hors de l’arène un cadavre de gladiateur ou la dépouille d’un fauve, ou bien encore qui, maladroits, avaient eu de la peine à faire fonctionner une trappe, une grille.
    Tel était donc l’homme que le sage Sénèque voulait me voir solliciter en sa faveur.
     
    Sénèque n’avait pas paru comprendre mes réticences ni entendre le rappel de ce que nous savions du comportement, des mœurs, de la cruauté et de la lâcheté de l’empereur.
    — Rencontre Messaline, avait-il repris. Elle règne sur l’esprit et les sens de Claude. Elle est la mère de ses deux derniers enfants dont on dit qu’il les aime plus que tout. Ne songerait-il pas déjà à fiancer Octavie et à remettre la toge virile à Britannicus ? Vois Messaline, dis-lui que je peux la servir.
     
    Comment aurais-je pu dissimuler mon étonnement, ma déception ? Sans parler de mon dégoût pour Messaline ?
    Tout Rome, le plus humble des charretiers, le plus méprisé des esclaves, savait que l’épouse de l’empereur était comme une chienne éperdue de luxure. Qu’elle choisissait ses amants d’un moment sans se soucier qu’ils fussent chevaliers ou affranchis, voire esclaves. Elle ne dissimulait pas ses frasques, tant elle était sûre de son pouvoir sur Claude. Il lui suffisait d’une étreinte pour obtenir de lui tout ce qu’elle désirait.
    Elle connaissait ses penchants et ses faiblesses, ses angoisses. Elle s’était alliée à Narcisse, l’affranchi, le secrétaire de Claude. Quand l’un et l’autre avaient décidé de perdre quelqu’un – ainsi, ce malheureux Appius, mari de la propre mère de Messaline –, ils prétendaient avoir fait des songes semblables et prémonitoires, confirmés par les devins. Ainsi ils avaient vu Appius s’avancer vers Claude, un poignard dissimulé sous sa toge, et se précipiter sur lui afin de le tuer.
    La confidence avait été faite peu avant qu’Appius n’entrât dans la salle, convoqué à cette heure précise par Narcisse. À la vue de l’homme, Claude, affolé, ordonna à ses prétoriens de le tuer sur-le-champ.
    Il ne restait plus qu’à tirer le cadavre hors de la pièce et aux esclaves à laver les traces de sang sur les dalles de marbre.
     
    Telle était Messaline, tels étaient son pouvoir et sa fourberie.
    Elle voulut ainsi faire d’un pantomime, un certain Mnester, son amant.
    Fluet, aussi souple et aussi voluptueux qu’un chat, l’homme avait repoussé plusieurs fois ses avances. Pour le conquérir, le flatter, elle avait fait élever avec des pièces de bronze à l’effigie impériale une statue du pantomime. Mais l’homme résistait, craignant la vindicte toujours possible de l’empereur, et terrorisé aussi à l’idée qu’il risquait de subir la vengeance d’une Messaline insatiable.
    Un jour, il fut convoqué par l’empereur Claude qui, en présence de son épouse et le menaçant de mort, lui intima l’ordre de faire ce que Messaline lui commandait.
    L’assistance gloussa de plaisir et Messaline entraîna Mnester qui agitait les bras comme un noyé…
    Et c’était cette femme-là qu’il me fallait circonvenir pour obtenir d’elle qu’elle sollicitât la grâce de Sénèque ?
     
    J’avais évoqué Agrippine qui apparaissait comme une rivale de Messaline et dont on disait qu’elle voletait autour de l’empereur, son oncle, comme un rapace, attendant l’occasion de se jeter sur lui et de favoriser ainsi les ambitions
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