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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse
Autoren: Elisabeth Eyre
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la porte. On envoya le secrétaire à sa rencontre pour qu’il
l’escorte jusqu’au duc, lequel lui tendit sa main à baiser en disant :
    — Alors ?
    Un enfant au visage rond qui se curait le nez de sa main
libre fît tinter la clochette de l’autel. Le prêtre, scintillant de soie et
d’or dans la lueur des cierges, présenta l’hostie. Le duc, son secrétaire, le
page et Sigismondo mirent genou à terre sur le sol de marbre et se signèrent. Après
être resté quelques minutes les yeux clos, le duc se releva d’un coup et se
dirigea vers la porte, ses éperons cliquetant sur la pierre. Un page attendait
dehors avec une coupe ; le duc se défit du rideau de brocart qui le
retenait affectueusement par l’épaule et vida la coupe d’un trait, emplissant l’antichambre
d’une étourdissante odeur de vin épicé.
    Le duc Ludovico était un homme mince d’une quarantaine
d’années. Sa mère française lui avait légué des yeux bleus, mais c’est sa
propre flamme qui leur avait donné ce regard pénétrant. Il avait la bouche
large, le nez court, les narines évasées. D’une beauté farouche, débordant d’énergie,
c’était le visage d’un homme qu’il pouvait être profitable d’amuser, mais des
plus risqué de provoquer. Pour le moment, une contrariété contenue lui faisait
froncer les sourcils.
    — Le sieur Ugo a-t-il enlevé la fille de son ennemi ?
    Il rendit la coupe au page d’un geste brusque et s’éloigna
d’un pas rapide dans un couloir à haut plafond voûté, décoré de fresques
bibliques.
    — J’offre à ces deux-là mon arbitrage dans la dispute
qui les oppose, j’arrange le mariage de leurs enfants pour la régler, et ils
m’insultent.
    — Il n’est nulle limite à la folie des hommes, répliqua
Sigismondo.
    Ils sortirent sur une longue loggia au-dessus d’une cour
pentue où attendaient des chevaux. Un peu plus bas, à proximité des grilles, on
empilait de quoi faire un feu de joie. La favorite de la duchesse, sa dame d’atour,
qui était veuve, devait se marier ce jour-là, et la duchesse avait fixé le
banquet pour le soir même  – ce qui expliquait sans doute aussi la
bruyante dispute à cinq voix que l’on entendait quelque part à l’intérieur du
château.
    Le duc se pencha par-dessus la balustrade et cria :
    — Faites marcher les chevaux. Allons, faites marcher !
    Ce qui dérangea les palefreniers absorbés dans une paisible
conversation. Le duc se tourna d’un bloc vers Sigismondo.
    — Est-ce l’œuvre d’Ugo Bandini ?
    — Puis-je rapporter à Votre Seigneurie ce que j’ai découvert ?
    Le regard bleu du duc se contenta de fixer Sigismondo.
    — Les ravisseurs, selon ce qu’on m’a dit, sont entrés
en passant par un toit. Le toit en question est bien fait et en bon état. Les
joubarbes y prospèrent. On m’a montré les volets qui ont été forcés devant la chambre
de la dame. Les serviteurs tiennent sa loggia de façon irréprochable. Sa
chambre était en désordre, sens dessus dessous. Elle-même et sa femme de chambre
ont disparu. Certains domestiques dorment à la cuisine, d’autres sous les
combles. Aucun n’a entendu le moindre bruit ; aucun n’a été réveillé par
les chiens de la cour. Nul ne les a entendus aboyer. Le petit chien de
compagnie de la dame n’a pas aboyé non plus.
    Le duc écoutait avec attention.
    — On a retrouvé côté ruelle une porte dont la barre avait
été ôtée. On a fait descendre un escalier à la dame et à sa servante, une
esclave circassienne. Elles étaient peut-être inconscientes, en tout cas les
murs peints ne portent aucune trace, il n’y a pas de marques d’ongles ni de
chaussures. À un clou proche de la porte de la ruelle on a retrouvé ceci.
    Sigismondo tendit le tissu bariolé au duc, qui, après y
avoir jeté un coup d’œil, s’exclama :
    — Ainsi c’était bien Bandini ! J’aurai sa tête
pour cela.
    Sigismondo approcha encore le tissu. Le duc se pencha pour
en examiner les coutures. Sigismondo désigna quelques fils bouclés sur la
partie jaune où s’était pris le clou. Le duc fit courir ses doigts sur les
bords effilochés du tissu.
    — Et ceci a été arraché, semble-t-il, à une manche, avec
suffisamment de force pour le déchirer d’un coup… sans que son propriétaire s’en
aperçoive ?
    Le regard du duc se fit incandescent.
    — C’est Jacopo Di Torre qui a tout manigancé ! C’est lui-même qui a fait disparaître sa fille en
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