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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse
Autoren: Elisabeth Eyre
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Roi ? », à quoi le cardinal répondit avec
une triomphale fermeté : « Le Dieu des Armées, voilà le Roi glorieux ! »
Leandro s’était fait la réflexion que dans le domaine temporel aussi, c’était
le seigneur commandant les armées qui avait le dernier mot. Il avait entendu le
cardinal répéter par trois fois : « Aperite ! » avant d’être obéi, et les portes s’étaient enfin ouvertes en grinçant sur l’intérieur
obscur. La haute silhouette écarlate s’était alors penchée pour tracer de sa
crosse une croix sur le seuil, et ordonner aux fantômes de fuir devant ce
symbole ; deux oiseaux noirs, surpris par l’écho soudain des voix du chœur,
s’envolèrent de quelque perchoir au fronton de la cathédrale, et la foule, avec
une délicieuse horreur, en fit aussitôt des fantômes ; Leandro se dit qu’ils
étaient peut-être bien les ombres de la duchesse impure et de son amant
diabolique, s’éloignant au-dessus des toits dans un bruissement d’ailes. Il
entendit à nouveau l’exclamation du cardinal, dont l’écho résonna entre les
murs tandis qu’il pénétrait dans la cathédrale déserte : « Que la
paix soit sur cette maison ! »
    Leandro regarda son père qui levait sa coupe en l’honneur de
sa future bru. Que la paix soit sur toutes les maisons.
    Sigismondo était assis en bout de table, un emplacement
parfait pour observer tout en étant exposé à la vue de chacun. Il portait, en
plus de la chaîne offerte par Bandini, un splendide collier formé de maillons à
facettes auquel était suspendue une pierre précieuse en pendentif. Il était
évident qu’il avait joué un rôle de premier plan dans la sécurité retrouvée de
l’État, et tous auraient aimé savoir comment il s’y était pris.
    Benno, debout derrière son maître, s’adressa à lui la bouche
pleine, de sorte qu’il dut se pencher par-dessus son épaule et répéter :
    — J’ai repensé à cette nonne que vous avez ligotée. Que
lui est-il arrivé, d’après vous ?
    — Tout dépend de sa mère supérieure.
    D’un geste habile, Benno subtilisa une carafe des mains d’un
serviteur et emplit à ras bord la coupe de son maître. Sigismondo la vida d’un
trait pendant que Benno, la carafe à la main, attendait de le resservir.
    — J’imagine que l’on en conclura qu’elle n’avait pas
vraiment laissé le monde derrière elle en entrant au couvent. Elle était trop
habituée au pouvoir pour y renoncer.
    Le serviteur récupéra la carafe et l’emporta.
    — Il paraît que vous avez dit à ma maîtresse que la nonne
était une Bandini, mais j’ai jamais entendu parler d’une Bandini prenant le
voile à Castelnuovo.
    — Je ne lui ai pas dit qu’il s’agissait d’une Bandini,
mais quand elle m’a suggéré de faire confiance à la nonne, j’ai voulu savoir
quelle serait sa réaction si je lui disais qu’elle était une Bandini. Lui
demander de l’aide aurait été imprudent, car c’était la mère du seigneur Paolo.
    Le visage de Benno s’illumina.
    — Tiens, tiens ! La chaufferette du vieux duc !
fit-il avec gaieté.
    Heurté dans le dos par un plateau de desserte, il cogna à
son tour dans la chaise de Sigismondo. Il s’y cramponna le temps de revenir de
sa surprise.
    — En y repensant, c’est vrai qu’elle s’était faite nonne
à la mort de son mari. Ainsi elle voulait que son fils devienne duc.
    — Les mères sont toutes pareilles. Souviens-toi de la
mère de Poggio  – elle aurait fait n’importe quoi pour son fils. Très
dangereux, les mères.
    Benno s’accroupit à côté de Sigismondo pour mieux poursuivre
la conversation au milieu du brouhaha de la fête, et son maître lui offrit un pilon
prélevé sur la volaille qu’on venait de lui servir.
    — Comment savez-vous que c’était la mère du seigneur
Paolo ? s’enquit-il avec un visage redevenu sérieux.
    — Tu aurais pu l’apprendre tout seul si tu l’avais mieux
regardée quand elle venait aux écuries. Son fils et son petit-fils ont les
mêmes yeux.
    — Ce regard un peu triste, vous voulez dire ? Je
me demande ce que le petit va devenir. C’est vrai, la vie ne lui a pas fait de
cadeau depuis sa naissance.
    — Il semble que dame Violante ait l’intention de veiller
sur lui. Je suppose que quand elle sera mariée…
    Sigismondo jeta un coup d’œil à la chevelure blonde proche
de l’épaule du duc Ippolyto.
    — … elle l’emmènera avec elle. Il sera plus heureux
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