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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse
Autoren: Elisabeth Eyre
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genoux.
    D’un geste, le duc leur intima de se remettre debout.
    — Vous allez obéir au décret que j’avais édicté. Vous
allez fiancer vos enfants, ici, en notre présence.
    Le regard de Cosima croisa celui de Leandro. Elle vit son
sourire un peu étourdi et se sentit elle aussi ébaucher un sourire hésitant ;
puis, se souvenant de la modestie à laquelle elle était contrainte, elle rougit
et baissa à nouveau la tête. Épouser Leandro devenait décidément une habitude.
    Le duc, qui avait parlé amendes et dot, déclara :
    — Vos petits-enfants partageront votre sang.
    Cosima s’empourpra à nouveau.
    Un page accourut au claquement de mains du duc. Il était
clair que tout avait été prévu, car ce dernier n’eut qu’à lui adresser un
hochement de tête. Ils attendirent en silence. Cosima n’osa pas lever les yeux
de peur de croiser le regard de Leandro. Les portes se rouvrirent devant le
cardinal en personne, suivi d’un prêtre portant son étole, que le cardinal
embrassa avant de la revêtir.
    En prison, elle avait trouvé la main de Leandro moite. Aujourd’hui
elle était tiède. L’étole du cardinal recouvrit leurs doigts entrelacés ; des
fils d’or, dessinant, comme dans les marges d’un missel, des feuilles de vigne
et des fleurs. Elle prononça les mots qu’elle était censée prononcer. Il était
rare que des fiançailles soient aussi solennelles que celles-ci, et assurément
le duc ne voulait laisser aux deux familles aucune possibilité de les rompre. Puis
ce fut l’impensable : Di Torre étreignant Ugo Bandini, échangeant avec lui
le baiser de paix. Tout en les regardant, Cosima sentit qu’un autre personnage
les observait, dissimulé dans un recoin d’ombre près de la porte, une main sous
le coude, passant sur sa bouche l’index de la seconde.
    Avec un demi-sourire aux lèvres.
    Ce soir-là, pendant le banquet, Leandro resta songeur et n’eut
pas conscience que tous les convives le considéraient avec fascination comme un
ex-cadavre qui, au lieu de festoyer tout paré de ses habits de brocart, aurait
pu être chargé de chaînes et badigeonné de goudron, à l’image du seigneur Paolo
 – dont les bonnes gens s’apercevaient d’ailleurs depuis peu qu’ils n’avaient
jamais vraiment eu confiance en lui. Ils trouvaient à la jolie fille Di Torre
une allure radieuse, même si pour sa première apparition en public, maintenant
qu’elle était fiancée et pouvait montrer son visage, elle veillait à garder l’attitude
timide qui convenait et ne prononçait pas un mot. On disait que, capturée par
les hommes du duc Francisco, elle avait séjourné dans un couvent, mais que tous
ces retards avaient été vains : les anciens ennemis allaient finalement se
marier. Les gens assuraient ne pas être dupes de l’apparente réconciliation du
vieux Di Torre avec Bandini. Ils n’enterreraient sans doute pas leur querelle avant
que quelques cadavres supplémentaires n’aient eux-mêmes été mis en terre. Personne
n’arrivait à se rappeler quel mythe classique racontait l’histoire de ces deux
familles rivales qui, contraintes de s’allier par le mariage, les hommes de l’une
épousant les femmes de l’autre, avaient fait jurer aux femmes d’assassiner leur
mari afin d’empêcher la consommation des épousailles, mais quelqu’un eut la
plaisante idée de suggérer que si Cosima Di Torre avait l’air si radieuse, c’est
qu’elle avait décidé de cacher un poignard dans son lit de noces pour montrer à
Leandro Bandini ce que la duchesse aurait dû lui faire.
    En fait, Leandro se demandait si la cérémonie nuptiale, que
le duc avait promis d’honorer de sa présence, aurait lieu dans la cathédrale. Il
s’était joint, ce jour-là, à la foule silencieuse assemblée sur la grand-place
pour regarder le cardinal Pontano diriger les dernières phases du rituel
compliqué par lequel devait être consacré à nouveau l’édifice ; on l’avait
vu en bénir les murs extérieurs avec de l’eau et du sel. Les grandes portes
étaient restées closes depuis que le frère du duc avait été blessé à mort dans
le sanctuaire. Le cardinal avait frappé trois fois sur ces portes avec sa
crosse pendant que le chœur récitait : « Ouvrez vos grilles, ô princes,
et ouvrez-vous, ô portes éternelles, afin que le glorieux Roi puisse entrer. »
De l’autre côté des portes, une voix, que l’on n’entendit pas distinctement, demanda :
« Qui est ce glorieux
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