Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse
Autoren: Elisabeth Eyre
Vom Netzwerk:
 
CHAPITRE PREMIER « Ainsi, le chien a bien aboyé »
    — De ce lit même elle a été enlevée !
    La longue manche de messire Jacopo Di Torre accompagna son
geste théâtral et balaya un flacon de parfum posé sur le coffre à côté du lit. L’émissaire
du duc, avec une agilité surprenante pour un homme de sa carrure, le rattrapa
et le fit tourner entre ses doigts comme pour en admirer l’onyx et l’or
ouvragés.
    Jacopo s’attendait à une remarque à propos du lit, dont les
draps défaits et les oreillers éparpillés trahissaient une lutte acharnée. Il
avait raison, cela ne pouvait faire aucun doute. C’était bien de ce lit qu’il s’agissait.
    — Vous n’avez rien entendu ? s’enquit d’un ton grave
la voix à l’accent étranger.
    Hésitant sur le geste suivant, les mains de Jacopo se refermèrent
et il se frappa le front.
    — Rien. Sainte Mère de Dieu, je dors d’un sommeil d’outre-tombe !
    Les yeux sombres de l’émissaire se tournèrent avec
bienveillance vers l’embrasure de la porte où les serviteurs agglutinés, l’air
hébété, jouaient des coudes pour mieux voir.
    — Et personne d’autre n’a rien entendu ?
    Plusieurs secouèrent la tête. Emmitouflée dans ses tissus, une
vieille femme avec un fanchon en forme d’éteignoir geignait sourdement. Jacopo
lui jeta un regard irrité.
    — Même ma sœur dormait. Nul n’a rien entendu.
    Dans la maison entière, tout dormait !
    Aucun des serviteurs ne parut disposé à le contredire. Dormir
à poings fermés à une heure légitime était, après tout, non la marque de la
paresse, mais de l’épuisement qui suit un honnête labeur.
    L’émissaire reposa le flacon de parfum, écarta d’un doigt
les objets qui se trouvaient sur le coffre  – une pince à épiler en
argent, un peigne d’ivoire, un livre d’heures à la couverture de velours rouge,
un miroir d’ivoire sculpté avec une nymphe en bronze pour poignée  – et
saisit la coupe de posset [1] en argent, dont il souleva le couvercle et renifla l’intérieur. Les serviteurs
suivaient la scène avec le même vif intérêt qu’ils auraient manifesté pour un
spectacle de mime.
    — Vous pensez qu’elle a été droguée ?
    Jacopo bondit sur cette hypothèse.
    — Cela expliquerait que nous ne l’ayons pas entendue.
    Il parut soulagé à l’idée que sa fille n’ait pas subi le sort
cruel d’appeler en vain.
    — Ah, non. Non, personne dans cette maison…
    L’approbation indignée des serviteurs noya ce qui promettait
au reste d’être une remarque peu pertinente. Une drogue doit être introduite
par une main hostile.
    Les lourdes épaules se haussèrent, et, d’un geste plus
économe que celui de Jacopo, l’émissaire indiqua le lit. Une jeune fille
droguée n’aurait guère été en mesure d’opposer une telle résistance. Arrachés
du demi-baldaquin, les rideaux de brocart vert et or pendaient d’un côté du
lit.
    — Les chiens aussi dormaient ?
    Une certaine agitation s’empara des serviteurs, qui se
regardèrent d’un air interrogateur.
    — Dans la cour… l’autre côté de la maison… son petit
chien…
    L’émissaire releva ces derniers mots.
    — Son petit chien ?
    — Le chien de ma fille.
    Jacopo tourna la tête de droite et de gauche comme si l’animal
aurait dû avoir le bon goût d’apparaître et de présenter ses excuses.
    — Il a dû s’enfuir. Terrorisé.
    — Trop terrorisé pour aboyer.
    L’émissaire hocha la tête comme s’il était de notoriété
publique qu’un chien astucieux s’abstient de faire du bruit pour éviter les
ennuis. Il ne chercha pas à en savoir plus sur ces chiens dont on aurait pu s’attendre
à ce qu’ils détectent un intrus, si la maisonnée, plongée dans un juste sommeil,
ne l’avait pas fait.
    — Comment sont-ils entrés ?
    Jacopo le poussa vers la fenêtre avec de brusques mouvements
de mains qui, toutefois, n’allèrent pas jusqu’à toucher le fin cuir noir du
pourpoint de l’émissaire. Celui-ci examina avec attention les volets forcés, puis
sortit sur l’étroite loggia. Il avait cette habitude, qui agaçait autant Jacopo
que les geignements de sa sœur, de fredonner d’un ton grave chaque fois qu’on lui
montrait quelque chose. Ça n’était pas un air, plutôt le bourdonnement d’une
abeille satisfaite. Ce qui procurait la désagréable impression que tout ce
qu’on montrait à l’émissaire était exactement ce qu’il s’attendait à
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher