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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse
Autoren: Elisabeth Eyre
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d’artifice, jusqu’à ce qu’il juge
sans danger de sortir de sa cachette. La duchesse était étendue sur le lit, la
main ballant au bord de la couche. Pensant qu’elle s’était assoupie, il avait
contourné sans bruit le lit. Il n’aurait de toute façon pas pu lui faire sa
requête à ce moment-là, car elle se serait doutée qu’il avait vu son amant. Il
savait qu’il ne pouvait s’agir du duc : le couple avait eu l’air trop
pressé et parlé trop bas. C’est au moment où il avait voulu s’assurer qu’elle
dormait qu’il avait vu le couteau. Il dépassait…
    — Sa Seigneurie le duc a vu le couteau, l’interrompit
Sigismondo. Qu’as-tu fait quand tu as compris qu’elle était morte ?
    Poggio leva des yeux inquiets vers Sigismondo, regarda
ensuite le duc, puis déclara :
    — J’ai pris sa bague et me suis enfui.
    Pour cela au moins on lui avait promis le pardon.
    L’air sombre, le duc s’abîma dans ses pensées. Le duc
Ippolyto étudia le visage de Poggio comme pour juger de sa sincérité. Le nain
se passa la langue sur les lèvres et, par bonheur, s’abstint de lui sourire. Le
cardinal, pour sa part, caressait le crucifix posé sur la table.
    — Tu n’as rien entendu après ce… cri… et le bruit de
quelque chose qu’on jetait sur le lit ?
    Le duc était allé directement au cœur du problème.
    Cela faisait de nombreuses années qu’il entendait des témoins
et il avait développé un certain flair pour les mensonges par omission. Il
observa Poggio qui eut l’imprudence d’arborer une expression d’innocence enfantine.
    — Rien de plus que ce que je vous ai dit, seigneur.
    — Personne n’aurait pu entrer dans la chambre à ce moment-là
sans que tu l’entendes ?
    Soulagé de pouvoir répondre en toute sincérité à cette
question, Poggio y répondit par la négative.
    Comme on ne lui demandait pas si quelqu’un était effectivement
entré, il ne fut pas obligé de parler de dame Violante. Sa dévotion pour elle
et son désir de lui éviter tout ennui avec son père n’auraient pas résisté à la
menace des tortures, mais jusqu’à présent aucune n’avait été proférée, et il
avait une profonde confiance en Sigismondo.
    — Jures-tu sur la croix que le témoignage que tu as livré
est la vérité ?
    Poggio s’inclina avec respect tandis que le cardinal lui
portait le crucifix. Le soleil qui avait brillé sur les cheveux d’Angelo avait
baissé. Les étincelles multicolores qu’il fit jaillir des rubis et des diamants
sertis dans l’or de la croix furent momentanément éclipsées lorsque Poggio y
posa la main pour prononcer son serment.
    — Va, dit le duc. Nous t’accordons notre pardon, mais
pas notre permission de demeurer à Rocca. Dans trois jours, notre grâce sera
révoquée et tu risqueras ta vie si l’on te trouve sur notre territoire.
    La hâte avec laquelle Poggio gagna la porte indiqua qu’il
entendait s’exiler au plus vite.
    Lorsque le panneau se fut refermé derrière lui, le duc
demanda qu’on lui apporte du vin, comme pour l’aider à digérer ce qu’il avait
entendu. Sigismondo transmit la demande et, lorsque le vin arriva, porta lui-même
le plateau en or chargé de trois coupes serties de pierres précieuses et d’une
carafe d’or et de cristal. Le duc s’approcha de la longue fenêtre dominant la
place et en ouvrit le châssis pour que sa vue ne soit pas gênée par le blason
de Rocca, composé de verre teinté lie-de-vin et ocre. Le bruit de la foule
au-dehors, qui avait résonné de manière si agressive dans la cathédrale, s’était
peu à peu apaisé, et à présent, au lieu de l’océan turbulent de têtes frangé de
l’écume des bras, ne restait plus que la plage de pierre déserte où se tenaient
quelques groupes isolés. Le plus gros tas de varech que la marée avait laissé
derrière elle en se retirant était amassé à proximité de l’échafaud, où étaient
toujours exposés le corps et la tête du frère du duc, feu le bon et charitable
traître. Ce groupe-là paraissait silencieux, et lorsque quelques-uns de ses
membres s’éloignaient, ils étaient remplacés par d’autres, tout aussi
taciturnes. On hissait les enfants à bout de bras pour qu’ils voient mieux, mais
lorsque l’un d’eux voulut toucher les cheveux ensanglantés du cadavre, un des
gardes postés sur l’échafaud repoussa sa main avec le manche de sa hallebarde. Les
yeux du duc, qui s’étaient attardés sur la scène, se
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