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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif
Autoren: Jerry Spinelli
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discute pas. Je veux pouvoir t’appeler.
    — T’as qu’à m’appeler imbécile.
    Il a ri.
    24

    — Tu ne te souviens pas comment tes parents t’appelaient ?
    — Je me souviens pas de mes parents.
    Le silence s’est installé. Je jouais avec ma pierre jaune. Je
    me souvenais d’un rire sonore et de couleurs vives. De l’odeur
    des chevaux et du goût d’un plat sucré. D’avoir été juché sur des
    épaules et de cheveux luisant à la lueur d’un feu de bois.
    La voix de Youri a fini par résonner de nouveau.
    — J’avais un petit frère.
    — Il est mort ?
    — Oui. Je crois. Il doit l’être.
    — Il avait un nom ?
    — Jozef.
    — Il était petit comme moi ?
    — Oui. Mais il grandissait rapidement.
    — Tu te rappelles tes parents ?
    — Oui. De moins en moins.
    — Tu te souviens d’avoir grimpé sur les épaules d’un
    homme ? ai-je demandé aux ténèbres.
    Il n’y a pas eu de réponse. J’ai fermé les yeux, et j’ai réfléchi
    encore et encore aux mots de Youri. « Tu es ce que tu es. »
    C’est-à-dire ?
    J’ai repensé à l’homme en noir qui frottait le trottoir avec sa
    barbe. Et à l’autre homme, et aux soldats rigolards armés de
    ciseaux – clic, clac – et aux cheveux tombant sur le sol, aux
    cheveux noirs tombant…
    Brusquement, mes paupières se sont ouvertes, bien qu’il n’y
    ait rien à voir dans l’obscurité.
    — Ce sont des juifs ! me suis-je exclamé.
    — Qui a dit que tu étais un imbécile ? a grommelé Youri.

    25

7

    C’étaient des jours heureux.
    Notre glacière et nos étagères regorgeaient de nourriture.
    Nous mangions des pêches au cognac, des sandwiches au beurre
    de cacahuètes et au caviar. Nous mangions des pommes, des
    chaussons au citron, des soufflés au fromage, de la truite fumée.
    Nous mangions des bonbons toute la journée. Mes préférés
    étaient les ganaches fourrées d’une noisette. D’ordinaire, il n’y
    en avait qu’une par boîte, et parfois même pas, et je n’étais pas
    très doué pour les reconnaître à la vue. Alors, je cassais en deux
    les chocolats par centaines, à la recherche de mon trésor.
    J’écumais les confiseries, jetant les boîtes dans un sac et me
    sauvant sous l’habituel chœur des « Au voleur ! ». À la maison,
    je cherchais frénétiquement ma ganache, délaissant les autres
    bonbons. Youri me disputait parce que je gâchais. Les sucreries
    exceptées, il m’obligeait à terminer chaque chose que j’avais
    entamée.
    Quant à Youri, il raffolait des cornichons. De bons gros
    cornichons bien juteux. Ils flottaient dans des tonneaux de
    saumure à l’intérieur des épiceries. L’envie lui en prenait tout
    soudain.
    — C’est parti pour un raid cornichons ! lançait-il à
    l’improviste.
    Nous menions de nombreuses expéditions de ce genre,
    parce que Youri ne mangeait que des cornichons frais. S’ils
    étaient restés hors de la saumure plus d’un jour, il refusait d’y
    toucher. Cela signifiait que nous étions obligés d’œuvrer dans
    des boutiques toujours nouvelles. Personne ne l’a jamais pris en
    flagrant délit de vol mais, au bout d’un moment, l’épicier
    commençait à remarquer que lorsque certain garçon roux avait
    mis les pieds dans son magasin, les cornichons disparaissaient.
    Pendant ces virées, je n’étais pas autorisé à prendre quoi
    que ce soit. Youri ne tenait pas à ce que son raid cornichons soit
    26

    gâché par un de mes vols à la tire avec course poursuite. En
    revanche, sur le chemin du retour, tandis qu’il dégustait avec
    joie sa prise, j’avais la permission de faire ce que je voulais.
    Youri se servait d’ordinaire sur les étagères et les comptoirs
    des boutiques. Moi, sauf pour les bonbons, je détroussais les
    gens. Nous déambulions tranquillement, le jus des cornichons
    dégoulinant sur le menton de Youri et s’écrasant au sol, quand
    je repérais soudain un objet et m’en emparais. Je décampais,
    zigzaguant dans la foule, tandis que Youri continuait à
    mâchonner en prétendant ne pas me connaître.
    De retour à la maison, il se contentait de me demander :
    — Comment as-tu fait, cette fois ?
    — J’en sais rien, répondais-je en haussant les épaules.
    — Tu m’épates.
    Alors, je me sentais comme une ganache à la noisette.

    Parfois, Youri sortait seul. Il appelait ça partir en éclaireur.
    Il m’interdisait de bouger.
    Un jour, j’ai désobéi. J’ai bougé. Ce n’était pas très
    longtemps après
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