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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif
Autoren: Jerry Spinelli
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a
    soulevé sa queue et a craché un filet grisâtre dans le derrière de
    l’animal. Celui-ci a henni doucement.
    Tout le monde a trépigné de rire. Même celui qui ne riait
    pas. Même moi.
    Les martèlements lointains étaient comme les battements
    de mon cœur après avoir couru.
    — Il doit être juif, a marmonné quelqu’un.
    — C’est quoi, un juif ? ai-je demandé.
    — Réponds au minus, a lancé une voix. Dis-lui ce que c’est,
    un juif.
    Celui qui ne riait pas a donné un coup de pied dans la paille
    du sol, couvrant de fétus un gars qui n’avait pas encore parlé. Ce
    type était manchot, il ne lui restait qu’un seul bras, le gauche.
    — C’est ça, un juif, a dit celui qui ne riait pas en se
    montrant. C’est ça, un juif, a-t-il continué en pointant les autres
    du doigt. Et un juif. Et encore un juif. Et un autre juif.
    Il a tendu le bras vers le cheval.
    9

    — C’est ça, un juif.
    Il s’est mis à genoux, a fouillé la paille près du crottin. A
    trouvé quelque chose. Me l’a montré. C’était un petit insecte
    marron.
    — Ça aussi, c’est un juif. Regarde ! Regarde !
    Il m’a fait sursauter.
    — Un juif est un animal. Un juif est un cafard. Un juif est
    moins qu’un cafard.
    Il a jeté l’insecte par terre.
    — Un juif, c’est ça.
    Les autres ont poussé des hourras et applaudi.
    — Ouais ! Ouais !
    — Je suis un crottin de cheval !
    — Je suis un caca d’oie !
    Un des garçons m’a désigné aux autres.
    — Il est juif, pas de souci. Regardez-le. Il est juif, ou je ne
    m’y connais pas.
    — Ouais, il va déguster.
    J’ai dévisagé celui qui venait de parler. Il mâchonnait une
    saucisse.
    — Je vais déguster quoi ? ai-je demandé.
    Il a reniflé bruyamment.
    — Tu vas l’avoir dans le baba. Le baba aux fraises.
    — On va tous déguster, a ajouté un autre. On n’y coupera
    pas.
    — Parle pour toi ! a répliqué celui qui ne riait pas.
    Il s’est approché de moi. A tendu la main et a tripoté la
    pierre jaune qui était suspendue par une ficelle autour de mon
    cou.
    — Qu’est-ce que c’est ?
    — Je sais pas.
    — Où tu l’as eue ?
    — Je l’ai toujours eue.
    Il a lâché la pierre. A reculé d’un pas. A mouillé son doigt de
    salive et m’a frotté la joue.
    — C’est un tsigane.
    Il y a eu des hoquets de stupeur. Les autres se sont penchés
    en avant, mâchant, exhalant des volutes de tabac.
    10

    — Comment le sais-tu ?
    — Examinez ses yeux. Comme ils sont noirs. Et sa peau. Et
    ça.
    Il a agité la pierre jaune.
    — T’es un tsigane, hein ? m’a lancé le souffleur de fumée.
    Ça paraissait familier. J’avais déjà entendu le mot, autour
    de moi, dans une pièce, près d’un chariot.
    J’ai hoché la tête.
    — Foutons-le dehors, a déclaré le mangeur de saucisse. On
    n’a pas besoin de tsiganes. Ce sont des pourritures.
    — Non mais tu t’es regardé ! s’est esclaffé le souffleur de
    fumée.
    Le manchot a ouvert la bouche, pour la première fois.
    — Après les juifs, ce sont les tsiganes qu’ils détestent le plus.
    — Ce n’est pas pareil, est intervenu un autre. Tout le monde
    ne hait pas les tsiganes, mais il n’y a personne qui ne nous
    haïsse pas. Nous sommes les plus haïs du monde. Ils nous
    détestent même à Washington Amérique.
    — Parce que nous faisons cuire les enfants pour les manger
    en guise de matsoth1, a grommelé quelqu’un.
    Tout le monde a éclaté de rire et balancé de la nourriture.
    — Nous buvons du sang humain.
    — Nous aspirons le cerveau des gens avec une paille à
    travers leur nez.
    — Même les cannibales nous haïssent !
    — Même les singes nous haïssent !
    — Même les cafards nous haïssent !
    Les mots et les rires, le pain et les saucisses ont volé dans la
    fumée de tabac et entre les jambes du cheval. Des mains se sont
    ruées vers la pile. Des bracelets en or ont valsé, et des pots de
    confiture, de petits animaux peints et des stylos-plume. Les
    flancs du cheval tressaillaient chaque fois qu’un objet le
    bombardait. Un poisson en verre blanc et violet a rebondi sur
    mon front. L’étole de renard s’est envolée. Un des gaillards a
    paradé après l’avoir drapée sur ses épaules, lui embrassant le
    museau.

    1 Matsah (pl. matsoth) : gâteau très fin et cassant mangé traditionnellement pendant
    la Pâque juive. (Toutes les notes sont du traducteur.)
    11

    Soudain, le garçon d’écurie est arrivé en hurlant, et nous
    avons déguerpi, nous
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