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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif
Autoren: Jerry Spinelli
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eux. Aucun n’était
    vêtu de haillons. Tous avaient des chaussures. Le docteur
    Korczak ouvrait le défilé. Il marchait, raide comme un Bottes
    Noires. Il portait un chapeau orné d’une petite plume rouge.
    Nous sommes restés là jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Jusqu’à
    ce que la chanson s’éteigne.
    Rue Libelta.
    Rue Walowa.
    Rue Gesia.

    169

38

    Puis le vieil homme est arrivé.
    Bizarrement. L’instant d’avant il n’était pas là puis,
    brusquement, il était là. Il n’avait même pas de chiffons autour
    des pieds. Un de ses yeux avait la couleur du lait et ne cillait
    jamais.
    — Je suis revenu, a-t-il déclaré.
    Nous nous étions rassemblés autour de lui, dans la cour.
    — Je suis venu vous dire. Je me suis échappé. Il n’y a pas de
    repeuplement.
    — Bien sûr que si ! a lancé quelqu’un. Dans des villages à
    l’est. Ils nous attendent.
    — Il n’y a pas de repeuplement, a répété le vieillard. C’est un
    mensonge.
    — C’est toi qui mens ! a crié une autre voix.
    — Regardez ! a braillé une troisième personne en agitant un
    bout de papier. Voilà une carte postale de mon frère. Il dit qu’il
    va bien. Écoutez ! « Nous allons bien. Nous sommes heureux
    dans notre nouveau village. Nous espérons vous voir bientôt. »
    — Mensonges ! a lâché le vieil homme.
    Il ne criait pas. Nous devions nous pencher pour l’entendre.
    Il avait l’allure et la voix de qui voudrait dormir.
    — C’est une ruse, a-t-il ajouté. Ton frère est mort.
    Une exclamation perçante a déchiré l’air. Les gens s’en sont
    pris au vieux.
    — Va-t’en !
    — Va-t’en !
    Ce n’est que lorsque les hurlements se sont apaisés que
    nous avons remarqué que le vieillard continuait à parler :
    — … des clôtures qui vous brûlent sur place… des prisons
    comme des cages à poules… des fours… sans cesse… des cendres
    qui tombent comme de la neige…
    Silence.
    170

    — Des fours ? s’est exclamé quelqu’un. Ils nous préparent
    des gâteaux ?
    Rires.
    — Des fours pour quoi ? a lancé une nouvelle voix.
    Le vieil homme a relevé la tête. Il a tourné son œil laiteux
    vers celui qui avait parlé.
    — Pour toi.
    Silence. Énorme éclat de rire. Moqueries.
    — Vieux fou !
    — Nous avons des cartes postales !
    Le vieillard a chancelé. J’ai enfoncé mon épaule dans sa
    hanche pour le soutenir. M’est parvenue sa respiration
    haletante. La foule attendait qu’il en rajoute, mais il a juste
    tourné les talons et s’est éloigné.
    Une voix, encore. Celle d’oncle Shepsel.
    — Repentez-vous, juifs ! Il n’est pas trop tard !

    Le jour d’après, M. Milgrom m’a pris à part dans un coin de
    la pièce.
    — Quand toi et Janina sortirez, ce soir, m’a-t-il chuchoté à
    l’oreille, je veux que vous restiez de l’autre côté. Je veux que
    vous vous sauviez. Ne revenez pas. Garde Janina près de toi.
    Retiens-la.
    D’abord Youri, et maintenant mon père.
    — Janina veut prendre le train, ai-je répondu. Elle veut aller
    à la montagne sucrée.
    M. Milgrom a lentement fermé les yeux. À l’instar de ceux
    de sa fille, ils étaient devenus énormes, comme pour essayer de
    contenir toute leur tristesse.
    — La montagne sucrée n’existe pas, a-t-il murmuré.
    Alors, j’ai compris que le vieil homme n’avait pas menti. Et
    pourquoi M. Milgrom n’avait pas interdit à Janina de sortir, la
    nuit. Il savait que, lorsque le défilé pour les trains passait dans
    les parages, un enfant était plus en sécurité loin de chez lui.
    Il m’a regardé droit dans les yeux. A agrippé mon bras.
    — Tiens-la par la main. Garde-la près de toi. Oblige-la à
    partir. Enlevez vos brassards et courez. Courez jusqu’à l’aurore.
    171

    Puis cachez-vous. Courez la nuit.
    Il m’a serré si fort que, si je ne l’avais pas aussi bien connu,
    j’aurais pu croire qu’il voulait me faire du mal.
    — Ne rapportez pas de nourriture, cette nuit. Ne revenez
    pas. Courez. Courez !

    Ce soir-là, quand nous nous sommes levés, M. Milgrom ne
    dormait pas. Il nous a enlacés longuement. Je crois qu’il
    pleurait. Il nous a murmuré des mots que je n’ai pas compris
    avant de nous laisser partir.
    Une fois de l’autre côté du mur, j’ai pris Janina par la main,
    comme M. Milgrom me l’avait recommandé. D’abord, elle n’a
    pas protesté. Mais lorsqu’elle s’est rendu compte que nous ne
    nous arrêtions pas aux poubelles, elle a refusé d’avancer.
    — Où on
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