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L'immature

L'immature

Titel: L'immature
Autoren: Alain Garot
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moi, comparé à ce Don Juan. Don Juan qui se redresse à présent. Un regard à droite vers le batteur : un, deux, trois... et il chante, il chante, tandis que Solange reste là, accrochée à ses lèvres.
Gagné ! Elle a encore gagné : son slow, elle l’a eu. Et je me dis, la rage au cœur, qu’elle pourrait fort bien avoir encore plus tout à l’heure.
Un serveur nous apporte à boire. Trois demis. La bière va-t-elle m’ôter cette jalousie maladive que je sens grandir en moi au point d’en devenir fou ?
J’empoigne mon verre, l’engloutis d’un trait. Au troisième demi, je ne sentirai quasi plus mon mal. Allez, Solange ! Maintenant nous allons danser, je le veux. J’en ai la force, le courage.
Discrètement d’abord, je vais oser te le demander ; puis, comme tu ne dis rien, j’insiste et tu dis : " oui ". Un petit oui, certes, mais oui tout de même et c’est cela l’essentiel. Reste un obstacle à ma joie : le rival chanteur qui, tout seul sous son projecteur, affiche un tel talent que Solange ne peut plus s’empêcher de le contempler. De mon côté je me sens toujours aussi minable. Ne sachant quelle main donner à Solange, il ne me faudra pas moins de dix minutes d’humiliante initiation pour qu’enfin je puisse entrer dans la danse. C’est vrai : je ne sais pas danser. À chaque instant j'écrase les pieds de ma cavalière. Mais pourquoi, soudain, se moque-t-elle de moi ? Et devant tout ce monde. Hier, elle me laissait croire qu’elle m’aimait ; aujourd’hui elle me ridiculise. Pour couronner le tout, elle va jusqu’à ajouter:
— T’es vraiment dur à traîner, tu sais !
Je n’ai rien su lui répondre, tellement j’avais le cœur lourd. Mais j’ai eu tort de me taire : ces filles-là, elles n’aiment bien que ceux qui leur tiennent tête. Du reste, n’aurais-je pas dû comprendre, à cet instant, qu’elle ne m’aimait plus ? Il fallait nous voir. Avec mes dix bons centimètres en moins, je n’étais forcément qu’un môme à ses yeux. Tandis qu’elle, bien moins âgée que moi pourtant, n'avait-elle pas tout d'une vraie petite femme? Même le Robert, mon copain, je crois bien qu’il se fendait la pêche en me regardant danser ; et il ne s’en cachait même pas. Cramponné à Solange, je continuais de m’appliquer lorsque j’ai réalisé que les autres amoureux se passaient carrément les bras autour du cou. Retenant mon souffle, je me suis lancé dans l’aventure. Mais la chanson était déjà finie. Au grand soulagement de Solange, nous avons dû nous arrêter de danser.
Quand le chanteur a entonné « Le Pénitencier », j’ai essayé de la prendre mieux, ma Solange. Mais elle a brutalement retiré mon bras qui tentait de l’enlacer. J’ai compris. Je n’avais en moi que ce cri non livré, cette douleur intense qui ne peut s’exprimer. Et, comble de malchance, le grand Johnny n’en finissait pas de dévisager ma bien-aimée.
Au troisième morceau, Solange fait la folle ; vous voyez ce que je veux dire... Elle se moque de moi tout en dansant.
— Mon p’tit cavalier ! Mon p’tit cavalier !
Elle dit cela très haut, pour que son chanteur l’entende. Moi je n’ai plus à présent qu’une seule idée : partir. Fuir. Mourir. J’ai trop mal. Je me suis assis à la table, je ne tenais plus sur mes jambes. Le serveur a encore rempli mon verre. Puis il y a eu d’autres tournées.
Quelques minutes plus tard, me voici dans un autre monde. Monde du rire et de l’oubli. C’est vrai, je ne souffrais plus. Je croyais même, au contraire, que maintenant j’allais faire souffrir Solange en affichant ouvertement une réelle désinvolture.
Après, je ne sais plus trop comment les choses se sont déroulées. Je me suis levé, j’ai traversé la piste de danse. L’orchestre jouait un paso-doble, comme à la fête de Busigny. Cela m’a donné des ailes.
— Vous dansez ?
L’air amusée, la jeune fille m’a fait « non » de la tête. C’est cette même fille que je verrai sortir quelques instants plus tard, en compagnie de Robert. Mais je ne me suis nullement senti blessé par ce refus. À trois reprises je suis reparti à la conquête d’une cavalière pour mon paso. Trois fois j’ai échoué. À jeun, je n’aurais jamais fait cela. J’étais trop conscient de mon handicap. Une demoiselle ne peut tout de même pas danser avec un gosse en public ! Ou alors ce serait pour rire. Mais je ne m’avouais pas vaincu et continuais ma
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