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L'immature

L'immature

Titel: L'immature
Autoren: Alain Garot
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café d’à côté.
Trois tables. Huit à dix joueurs de cartes. Des cris, de temps en temps, et de la fumée partout, jusqu’au plafond : on joue.
Je n’aime ni jouer, ni voir jouer.
— Deux demis ! commande Robert. Puis il ajoute:
— Tu fais un baby ?
Je n’étais guère disposé, mais il était trop tard : Robert avait déjà mis sa pièce dans la fente du billard.
C’était prévisible, tout de suite je me suis mis à perdre. On perd toujours quand on n’a pas le moral : le fil de ses idées, la réussite aux examens, tout ! En vérité, je n’étais pas tellement dans le jeu. A travers le grand rideau de la vitrine, mes yeux n’en finissaient pas de chercher la Linelle.
— Alors, tu bois ta chope ! crie Robert.
Je bois.
Quel bien-être tout à coup ! Cela détend, l’alcool, je l’ai déjà dit. Une petite dose suffit, je vois tout de suite la différence. Et puis j’ai surtout moins peur. Je me sens prêt, non seulement à boire encore, mais à faire d’autres parties.
Ma tête est devenue légère. Tout commence à me plaire, je veux dire les gens et les choses autour de moi. C’est normal, je le sais. La drogue a cet effet, entre autres, de rendre acceptable l’inacceptable. Et je comprends même que personne ne se drogue pour échapper à la vie du monde. Au contraire, c’est pour avoir la force de mieux s’y accrocher. Pour une fois je vois tout en rose. Pour une fois, à mes yeux, les hommes peuvent perdre leur temps sans se tromper.
— Allez, un autre demi, c’est moi qui rince !
Si je suis fier ! Pensez donc : je paie. Même si maman va devoir traîner longtemps encore ses vieilles savates, figurez-vous... je paie.
L’un des joueurs de cartes a cogné du poing sur la table. En souriant je l’ai regardé et nous nous sommes compris: lui non plus n’est pas dans son état normal.
— Atout ! lance-t-il en balançant sa carte sur le tapis.
Et moi je ris encore. Oh ! Dieu qui fit le monde si beau, les gens si gentils et la bière si bonne !
Robert me frappe l’épaule.
— La voilà !
Il l’a vue avant moi. Aussitôt, je me retourne et j’aperçois en effet la Linelle, juste devant le bistrot ; jolie brunette au physique de mannequin, avec un transistor à la main.
— Atout, bon dieu ! beugle encore un joueur.
Dieu, comme je te suis reconnaissant de m’avoir permis de vivre cette heure. Je n’ai jamais été comme cela. Je voudrais chanter avec le serveur du bistrot et sa jolie voix de Tino. Habituellement, je n’ai pourtant pas beaucoup de sympathie pour ce chanteur ; mais là, c’est autre chose. Fou ! Je suis fou.
Pascal ! Blaise... mon ami... tiens, à ta santé ! Trinque avec moi, toi et ta machine à faire des calculs ! Oublie donc toutes ces conneries. Avoue que tu as bel et bien raté le coche quand tu es tombé du fiacre et que ça t’a donné l’euphorie.
Oui, ce qu'on est fou quand on se sent bien !
Et la Linelle qui n’en finit plus de passer et repasser devant le bistrot. Pour moi... je n’en doute pas ; car c’est moi qu’elle aime, et pas le grand Robert. Oh ! Solange, comme tu es belle !
— Vas-y, dis-je à Robert.
— Vas-y toi-même, me répond-il. Il n’est pas encore éméché, alors il n’ose pas. J’ouvre la porte du café et je crie dehors :
— Coucou chérie !
Elle se retourne, fait comme si elle n’avait rien entendu. J’insiste. Alors elle éteint son poste de radio et, l’air indignée, me jette ces mots à peine dédaigneux:
— Vous ne m’avez jamais vue ?
J’ai refermé la porte et je suis allé vers elle. Je n’étais plus Dindin. Dindin le petit, la tête pointue. Je n’avais plus peur. Je me sentais beau. J’étais moi-même et j’ai dit:
— Tu ne me reconnais pas ?
J’avais raison. Que le Robert reste derrière, qu’il me la laisse ; car Solange m’a souri. Elle a même baissé la tête comme si elle se sentait un peu gênée.
— Solange ! Tu t’appelles Solange, tu vois que j’ai une bonne mémoire ?
— Oui, dit-elle. Et toi, c’est Boris.
— Boris ? Folle ! Pas Boris, mais Maurice!
— Moi je préfère Boris. Parce que Maurice est un prénom de vieux.
— Eh bien... admettons que je m’appelle Boris. Tu viens prendre un verre avec moi ?
— Non... Si ma grand-mère me voyait, je me ferais rouspéter.
— Alors, que vas-tu faire maintenant ?
— Tu vois, je suis en vacances, je me promène...
Un silence. J’ai horreur des silences quand je suis à jeun. J’ai envie de
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