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L'immature

L'immature

Titel: L'immature
Autoren: Alain Garot
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général elles ne sont pas avares.
Alors, de telle façon que ma mère ne pût rien entendre, le grand Robert m’a chuchoté à l’oreille :
— La Linelle est en vacances chez les Vanot. Si tu voyais la poulette !
— Ah ! ai-je fait, vu que je la connaissais déjà.
Son prénom, c’est Solange. Elle vient de Paris où, à ce qu’il paraît, les filles sont plus abordables qu’ici.
— Une de ces « pépées » a-t-il insisté … avec une paire de f….
Je l’ai bien vu, le Robert.
Il a observé ma mère, pauvre mère avec sa figure de travers. Par pudeur, il gardait le silence quand j’ai crié bien fort :
— Paire de fesses !
Elle n’a pas rougi, maman. Oh non ! Parce que ce n’est pas à cause d’une bouche de travers qu’on ne connaît pas la vie. Et celle-là, précisément, la plus ordinaire de toutes les vies, maman sait trop ce qu’elle est: elle nous a eus pour sa peine.
Les fesses de Solange, moi je m’en fiche. Mon corps n’est pas prêt pour ça. Et puis, c’est risible bien sûr, mais je respecte les filles, tant pis si je suis rétro.
 
Robert : 1 m 83. Grand comme mon ex-père.
Avec des biceps d’Apollon, des yeux qui vous fouillent les filles jusqu’en leurs dessous. Fossoyeur occasionnel, il aime à raconter ses exploits mortuaires. Alors, il faut le voir, on dirait qu’il en jouit …
Tenez, l’an dernier, avec son père ils ont déterré le corps de la mère Matthieu pour le remettre dans un grand sac. Malgré les nombreuses années passées sous terre, le cadavre était intact. Il a fallu... dois-je le dire ? C’est courant, d’après lui.
Le père et le fils se sont mis de part et d'autre du cadavre. Ils ont pris chacun l’un des membres et ont tiré fort .
«  Ça résistait », disait Robert en pinçant les lèvres. J’aurais voulu, de grâce, l’arrêter ; mais ce n’était pas tout. Ils ont tiré, tiré, tant et si bien que ça a fini par craquer .
«  Ah ! J’en ai eu plein moi, vingt dieux ! » conclut-il avec un regard malicieux.
Oui, vingt dieux ! Pourquoi donc le bon Dieu ne nous a pas faits de telle sorte qu’on grimpe aux cieux tels que nous sommes ? Ainsi n’aurais-je plus cette sensation de froid dans le dos chaque fois que je revois Robert.
En plus de cette différence anatomique entre nous, il y en a une autre : il a une paie, je n’en ai pas. Il gagne, il achète et moi je n’ai rien pour dépenser. C’est pourquoi je suis contraint de voler des sous à ma pauvre mère, tout comme autrefois, quand j’étais enfant de chœur, il m’arrivait de prélever quelques petites pièces dans les quêtes de Monsieur le curé ; tout cela pour faire des parties de baby foot.
C’est vrai, je ne crois pas en l’argent. Si j’en avais, je vous jure que je ferais des heureux partout. Maman n’a rien, absolument rien. Je l’ai toujours connue traînant la savate. Sans doute même se prive-t-elle pour moi.
Quant à Vautrin, qui n’a rien compris à rien, il chique bien, lui, ses dix litres de pinard deux fois la semaine, sans compter ses tournées aux bistrots. Cela vous coûte combien tout ça ? Mais il gagne son argent. Il le dépense. Il en a le droit. Passons.
Lorsqu’on sort, le dimanche, Robert roule sur un beau vélo neuf, mi-course avec un dérailleur ; et moi j’emprunte le clou Vautrin. Celui-ci est du reste beaucoup trop grand pour moi et lorsque je l’enfourche, j’ai les jambes coupées au bout de deux kilomètres. Pour me faire maronner, Robert me traite de « blanc-bec ».
— Toi, l’étudiant ! dit-il souvent avec mépris.
Mais s’il savait à quel point je voudrais voir le lycée à cent mille pieds sous terre ! Il ne comprendrait pas, bien sûr. Lui, comme les autres, c’est la même machine, le même sac. Il va, tête baissée ; on lui donne une pelle et il creuse. Demain ce sera peut-être un fusil et il tirera, l’imbécile ! De plus, il boit trop, maman le sait. Et je suis tellement influençable qu’elle appréhende de me voir sortir en sa compagnie.
La Linelle, je la connaissais déjà, de vue. L’an passé, pendant les grandes vacances, il m’a même semblé que je ne lui étais pas antipathique, au contraire... Alors je suis parti avec Robert : Laurel et Hardy, comme aurait dit la mère Matureau.
Nous avons traversé le pays, tourné un peu autour de la maison des Vanot, comme ça... juste pour voir si la Linelle allait sortir. Mais elle ne sortait pas ; alors nous sommes entrés dans le
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