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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine
Autoren: Jean-François Parot
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retrouvé ? D’où l’irritation du roi, sa colère même… Il a vu Maurepas à Paris. La vieille machine est très affaissée. On lui donne peu à vivre. Il a été étourdi par les arguments… Et tous ces reptiles qui grimpent et déposent leurs ordures sur un chêne renversé !
    Il prit un papier sur sa table de travail.
    – Écoutez, écoutez ce que l’on chantonne à Paris :
    J’ai balayé Paris avec un soin extrême
    J’ai voulu de la mer balayer les Anglais
    Mais j’ai vendu si cher mes malheureux balais
    Que l’on m’a balayé moi-même.
    Et savez-vous ce qui était écrit à la craie ce matin sur ma porte ?
    Ô perruque, ma mie
    N’as-tu donc vécu que pour cette infamie ?
    – Allons ! N’êtes vous pas à cent coudées au-dessus de ces bêtises ? Une défaveur de cour n’efface pas trente ans de services.
    – Ce n’est pas tant cela qui me poigne. Mon désespoir n’est pas d’avoir perdu ma place, mais d’écouter les motifs affreux qu’on suppose à cette disgrâce. C’est de mon honneur qu’il s’agit ! Oui ! Entendez bien cela, de l’honneur de Sartine ! On prétend que j’ai huit cent mille livres de rentes et que, de mon autorité privée, j’aurais été assez criminel pour excéder dans mes dépenses les ordres de Sa Majesté. Sachez que je n’ai pas même vingt mille livres de rentes et, si l’on s’avise de m’en trouver davantage, je l’abandonne de bon gré aux hôpitaux. Et j’aurais dépensé sans justificatifs ? Calomnie ! Mensonge ! Je n’ai agi que sur les ordres du roi signés dans ses conseils en présence de ses principaux ministres, conseils auxquels le banquier n’a point accès et dont les délibérations sont un secret d’État !
    Maintenant il tisonnait avec violence le feu qui crépitait.
    – Alors, en aurais-je confié le détail à Necker que, pour prix de mon indiscrétion, j’eusse été passible pour haute trahison d’un cul de basse-fosse à la Bas
tille ! Quoi, en parler à cet homme ? Lui révéler nos plans ? Un étranger, lié de longue main à Lord Stormont, le dernier ambassadeur anglais à Paris. Qu’est-ce au reste que ce Necker sinon une figure de comptable assermenté nulle part, reconnu d’aucune cour ? Il était hostile à la guerre. Qu’avait-il à faire en effet de la grandeur de la France et de notre revanche sur l’Angleterre ? Ah ! Choiseul…
    Nicolas fut effaré de constater à quelles extrémités le dépit et l’amertume conduisaient Sartine. Le directeur général des Finances, un traître ? Quelle que soit l’opinion qu’il portât sur Necker, il ne le pouvait croire. Les mauvais succès des opérations navales tenaient-ils à l’impéritie de leur direction ou aux trop faibles moyens que le trésor leur allouait ? Le ministre n’avait-il pas été emporté par le tourbillon des événements, des réformes maladroites et des confiances mal placées ?
    – Rien n’est perdu, M. de Maurepas ne vous a-t-il pas toujours soutenu ?
    – Ne vous leurrez pas ! Sa femme, certes. Lui ? C’est une autre affaire… Il n’aspire qu’à sa tranquillité égoïste. Il éludait mes questions et simulait un appui qu’il m’avait déjà retiré. Un chien presque crevé au fil du courant dominant…
    – Vous verrez que l’on vous reviendra et que vous reparaîtrez au premier rang. Le roi au fond vous aime.
    Sartine secoua la tête, puis la prit dans ses mains.
    – C’est un amour assassin ! Ma fin a commencé à la mort de Louis XV. J’aurais dû m’imposer. Je fus pourtant le premier à parler à Sa Majesté. Il eût suffi d’un mot, de le presser un peu…
    Il semblait qu’il se parlât à lui-même.
    – Et puis non. À quoi bon ? Le résultat serait le même… Le roi ? Il n’y a rien à faire avec cet
homme-là ; il y a deux êtres en lui, celui qui connaît et celui qui veut et ils ne sont jamais en accord. Son aïeul laissait faire, lui il empêche ! Et tout s’en va… Agir ? Avec quoi ? La seule issue est dans l’emprunt. Comment au bout du compte soldera-t-on le déficit ? Et quelle politique mener sans moyens ?
    À ce moment précis la bibliothèque à perruques émit une sorte de gémissement, puis un long claquement comme un ressort qui lâche et se dévide. Dans un bel ensemble, tous les tiroirs jaillirent, l’air fut environné de poudre et un air guilleret éclata, jouant sur un rythme échevelé et faux.
    – Tout se détraque ce soir ! Tiens,
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