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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine
Autoren: Jean-François Parot
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conversation ?
    – Ces choses sont trop graves, vous le comprendrez sans peine, pour s’engager outre, affirmer sans preuves et dénoncer sans certitude. Ce que je vous confie n’a d’autre but que de vous aider à mieux comprendre l’intimité de cette famille.
    Nicolas prit plaisir à la conversation. Ce sentiment semblait partagé par le vieil homme qui, par pans entiers, lui dévoila les secrets d’une administration chargée de l’usage des deniers du roi, dans laquelle il avait été si longtemps employé. Puis il se plut à s’appesantir sur les aspects diffus du caractère de M. de Chamberlin dont, disait-il avec un rien de tristesse, il n’était jamais parvenu, en dépit de leur longue connivence, à éclairer toutes les facettes. Et, ajoutait-il, la plupart étaient limpides, mais certaines des plus obscures. Une faute en particulier pesait sur la conscience de l’homme ; jadis il n’avait pas levé le petit doigt pour sauver son frère de la faillite. Lui et sa femme s’étaient exilés aux Indes. Les fièvres, leur mort et leur nouvelle fortune dilapidée par l’époux de Charlotte de Ravillois… Il conclut ému que de cette amitié il n’avait jamais eu de ces bénéfices d’ouverture, de ceux qui sont doux à l’âme. Ils se séparèrent fort tard et très contents l’un de l’autre.
    Nicolas rejoignit l’hôtel de Noblecourt rue Montmartre à quelques pas de là. Aucune lumière n’indiquait que ses occupants fussent encore éveillés, aussi emprunta-t-il le petit escalier qui menait directement à ses appartements. Il nota avec surprise que Naganda était revenu prendre ses impedimenta et avait quitté le logis. Il aviserait le lendemain… Il se coucha et s’endormit aussitôt.

    … Il avait réussi à abattre trois quilles. Ses compagnons de jeu criaient et piétinaient d’excitation sur la petite place de Tréhiguier. Il cracha dans ses mains et se pencha pour saisir la boule. À peine l’eut-il en mains qu’elle lui parut vivante. Son bois noueux avait disparu comme liquéfié. Dans cette humeur vitreuse, des coulées lactescentes se mouvaient lentement. Il tenta de hurler sans qu’aucun son ne parvienne à sortir de sa gorge. Ses compagnons, désormais muets, semblaient aspirés par des nuées. Dans sa main, la boule se mit à diminuer. Horrifié, il découvrit au fond de sa paume une bille d’agate qui se dissipa en poussière.
    Quelle était cette femme en grand habit qui plongeait devant lui dans une révérence de cour ? Elle se redressa, montrant sous sa perruque une tête de cauchemar. Il se précipita vers le mât de cocagne, tenta de trouver des prises sur le bois graissé, progressa quelques toises. Un corbeau vint lui picorer la tête et se mit à chanter d’une voix grincharde.

    Nicolas, din-me l’ânet
    C’hivi zelivrfe’n ene daonet ?
    [Nicolas, dites-moi
    Voulez-vous délivrer une âme damnée ?]

    Il lâcha le tronc et tomba en poussant un grand cri…

    – Voilà ce que c’est de se retourner du mauvais côté, vous avez chu, mon père !
    Louis l’aida à se relever. Il riait aux larmes de l’aventure.
    – Que faites-vous ici ? Je vous croyais en service.
    – Sa Majesté m’a donné liberté de venir vous saluer. Je crois qu’elle a, sans le dire, souhaité réparer le méchant accueil qu’elle vous a réservé l’autre matin.
    – Que cela vous serve de leçon et vous apprenne à demeurer de marbre face aux variations des faveurs de cour.
    – M. de Noblecourt me charge de vous dire que Naganda regrette d’avoir dû quitter la maison. M. de Vaugondy, géographe du roi, entend l’avoir tout à lui et à demeure afin de le mieux initier aux mystères de son art.
    – Initier aux mystères ! Voilà bien la question, murmura Nicolas encore sous le coup de son rêve.

    Quand sa voiture déposa Nicolas aux Porcherons devant l’hôtel de Ravillois, le temps, rafraîchi par l’orage de la veille, était délicieux. Le porche passé, il observa une joyeuse bande de moineaux qui pillaient le cerisier de l’une des plates-bandes. Son maintien paraissait incongru dans le dernier vestige d’un verger préexistant à la construction. Cette belle journée d’été lui éclaircit l’âme. L’accueil s’avéra plus aisé et courtois que lors de sa première visite. Sans doute le rapport que le fils aîné avait fait des conditions de sa libération avait-il convaincu le fermier général que nulle animosité personnelle
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