Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
chercher la chose dans ce jeu d’enfant ? Soudain, au-delà de la joie d’avoir abouti, d’avoir une fois de plus rempli heureusement sa mission, il mesura l’horreur de la situation. Un enfant, un enfant meurtrier, meurtrier sans le savoir. Et auteur d’un crime, le doute n’existait pas, fomenté par sa mère et par l’homme que tout désignait comme son père. Il décida de laisser retomber son émotion et d’examiner à froid ce que son devoir lui imposait.
    Alors qu’il sortait de la chambre de Charles, il se heurta à Charlotte de Ravillois qui, sans doute informée par son fils de sa présence, était aussitôt accourue.
    – Monsieur, lui cria-t-elle, le visage incendié. Que prétendez-vous faire ?
    Que savait-elle de l’entretien qu’il venait d’avoir avec son fils ?
    – Madame, j’accomplis ma tâche au nom du roi.
    – Monsieur, il vous faut comprendre que…
    – Rien, madame, rien. Je n’ai que quelques mots à vous dire. Un secret de famille, un vieil homme
haï, un enfant infirme qui grimpe aux arbres et aux colonnes d’un lit. Un châssis scié qui s’effondre et qui tue. Tirez, madame, les conséquences de tout cela. Je reviendrai demain.
    Pétrifiée, elle le laissa partir sans un mot.

    Nicolas rentra rue Montmartre, glacé par sa découverte. Il s’interrogeait sur ce qui l’avait conduit à laisser ce délai à des assassins présumés ; il ne trouva pas de réponse. Il fit seller Sémillante ravie de l’aubaine et piqua des deux pour Versailles. Sa monture l’y porta si vite que deux heures après il surgissait dans le cabinet du ministre de la Marine.
    – Alors ? dit Sartine, frappé par le sérieux de la physionomie du commissaire.
    Nicolas, sans répondre, lui tendit la carte de l’Europe.
    – Plaisantez-vous ?
    – Retournez la carte.
    – Par Dieu, Nicolas, vous avez réussi !
    Fébrile, il jeta sur-le-champ le papier dans un pot à feu, l’enflamma d’une allumette et le regarda brûler.
    – Contez-moi la chose.
    Nicolas reprit par le menu l’histoire de son enquête. Au moment où il évoquait le rôle de Tiburce Mauras et les conditions de son assassinat, Sartine l’interrompit.
    – Ainsi le bougre a fini par se faire prendre. Il était habile et nonobstant ses dérèglements m’avait rendu bien des services ! Inutile cependant de pleurer une canaille qui a d’ailleurs échoué dans la recherche du document.
    – Comment ! C’était un homme à vous ? Vous l’utilisiez ?
    – Je n’ai fait que le reprendre d’un de mes successeurs qui l’employait. Ce M. Albert qui vous goûtait tant…
    – Et que ne m’en avez-vous parlé ?
    – Pourquoi ? Vous ai-je toujours tout dit ? La surface des choses, Nicolas, la surface…
    Il faisait des deux mains un geste qui écrasait tout.
    – Mais, reprit-il, brisons-là ; le roi m’attend. Je lui dirai notre succès. Enfin ce qu’il en doit savoir. Ce n’est pas mon loyal ami qui croquerait le morceau.
    Il se leva, passa devant Nicolas, lui fit un petit geste aimable.
    – Et merci !
    C’était la moindre des choses. Alors que Sémillante le conduisait à Fausses-Reposes où il comptait souper et passer la nuit en compagnie d’Aimée d’Arranet, la décision qu’il devait prendre le jeta dans un de ces débats intérieurs dont il était coutumier. Quel était son devoir ? Jeter le déshonneur dans une maison ? Détruire la vie d’un enfant que les usages judiciaires risquaient de précipiter dans une maison de force, lieu de corruption et de mort ? Avait-il eu conscience de ce qu’il accomplissait ? Mme de Ravillois et son amant étaient certes coupables, et doublement, d’avoir usé pour une vengeance de l’innocence de Charles. Certes, M. de Chamberlin était mourant, et le piège n’avait fait qu’accélérer une inéluctable fin, mais justement cet acharnement dénonçait une volonté de vengeance animée par la haine.
    Il retournait le drame dans sa tête sans parvenir à concilier ces données contradictoires. Combien de fois, au cours de ses vingt années de services, des coupables tout aussi odieux sinon plus avaient échappé pour raison d’État au châtiment ? Sans
broncher, il avait accepté que cela s’accomplisse au détriment de la Justice. Que ferait-il demain ? Il laissa à la nuit le soin de lui inspirer une conduite que l’horreur de la situation et l’amertume de la primesautière conduite de Sartine l’empêchaient de discerner. Il ne
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher