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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus
Autoren: Matilde Asensi
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I
    À peine débarqué de la robuste nau sicilienne sur laquelle j’avais entrepris le long voyage depuis Rhodes, avec
d’épuisantes escales à Chypre, Athènes, Sardaigne et Majorque, j’étais allé
présenter mes lettres à la commanderie de Barcelone, puis m’étais dépêché de
quitter la ville pour me diriger vers Tara-dell où demeuraient mes parents. Je
ne les avais pas vus depuis douze ans, et j’aurais aimé demeurer plus longtemps
auprès d’eux, mais j’avais dû les quitter le jour même. Mon véritable but était
de parvenir dans les plus brefs délais au monastère mauricien de Ponç de Riba
situé à deux cents milles [2] au sud du
royaume, non loin de terres qui avaient été, il y a peu encore, aux mains des
Maures.
    Une affaire de la plus haute importance
m’appelait en ce lieu, assez importante pour que j’abandonne soudain mon île,
ma demeure et ma charge. J’avais donné comme raison officielle la nécessité de
me consacrer à l’étude approfondie de certains livres qui se trouvaient au sein
du monastère et que l’on avait accepté de mettre à ma disposition grâce à l’influence
de mon ordre.
    Mon cheval, un bel animal au train puissant,
répondait de son mieux à l’allure que mon impatience lui imposait alors que
nous longions les champs de blé et d’orge, et traversions de nombreux hameaux
et lieux-dits. L’année 1315 n’avait pas été une année prospère. La famine
s’était répandue comme la peste dans tous les royaumes de la chrétienté.
Pourtant, après tout ce temps passé loin de ma terre natale, je la voyais avec
l’aveuglement d’un homme amoureux : belle et riche comme je l’avais
toujours connue.
    J’aperçus, peu de temps après avoir passé la
ville de Tora, le vaste domaine mauricien, puis les hauts murs de l’abbaye et
les tours pointues de sa magnifique église. Sans crainte de me tromper, je peux
affirmer que Ponç de Riba, fondé il y a cent cinquante ans par Raymond Bérenger
IV, est l’un des monastères les plus grands et majestueux qu’il m’ait été donné
de connaître. Sa bibliothèque est unique au monde ; elle contient non
seulement les manuscrits anciens les plus extraordinaires de la chrétienté,
mais aussi, grâce à cette fameuse ouverture d’esprit qui caractérise les moines
mauriciens prêts à accueillir tout type de richesse, la quasi-totalité des
textes scientifiques arabes et juifs condamnés par la hiérarchie ecclésiastique
et mis à l’Index. J’ai vu dans les archives de Ponç de Riba des trésors
incroyables : des cartulaires hébreux, des bulles papales et des lettres
de rois musulmans qui auraient impressionné l’érudit le plus blasé.
    La présence d’un chevalier hospitalier en ces
lieux consacrés à l’étude et à la prière ne manquera pas d’étonner, du moins en
apparence, mais mon cas était particulier. À la véritable et secrète raison qui
m’avait conduit à Ponç de Riba s’ajoutait, pour le bien de nos malades,
l’intérêt que mon ordre portait aux diverses connaissances sur les terribles
fièvres éruptives, les varicelles, si magnifiquement décrites par les
physiciens arabes, ainsi qu’à la préparation de sirops, alcools, pommades et
onguents dont nous avions appris les rudiments lors de nos longues années
passées dans le royaume de Jérusalem.
    J’éprouvais un véritable désir d’étudier l’At-Sarif, le traité de chirurgie d’Abulcasis le Cordouan, oeuvre
connue grâce à sa traduction en latin par Gérard de Crémone. Mais la langue
dans laquelle avait été rédigée la copie du monastère m’importait peu. J’en
parlais plusieurs avec facilité comme tous les chevaliers qui avaient combattu
en Syrie ou en Palestine. J’espérais trouver dans ce livre le secret des
incisions sans douleur dans les corps vivants, et des cautérisations, savoir si
nécessaire en temps de guerre. Je voulais aussi tout apprendre des splendides
instruments de chirurgie utilisés par les physiciens perses que décrivait avec
minutie le grand Abulcasis, pour les faire fabriquer dès mon retour à Rhodes.
Ainsi donc, ce jour-là, m’apprêtais-je à abandonner mon pourpoint, ma cotte,
mon manteau noir orné d’une croix latine blanche, et échanger le heaume, l’épée
et l’écu pour la plume, l’encre et l’écritoire.
    Ce projet d’étude me passionnait réellement,
mais comme je l’ai déjà dit, ce n’était qu’un prétexte. La raison de ma
présence, due à
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