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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
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achevé !… Oyez ! Oyez !
    Le Breton reprit son souffle :
    – Dix mille Mahoms sont arrivés à Pèdre par Lissebonne. Le roi de Portingal leur a fourni de petites nefs afin qu’ils remontent le Tage jusqu’à Toulette.
    Il y eut des murmures. Pèdre apparaissait à certains non plus comme un « vaincu d’avance », mais comme un guerrier qui pouvait, avec les Maures substitués aux Anglais, gagner de nouvelles batailles.
    – Et savez-vous pourquoi je n’ai point trouvé le roi de Navarre à Pampelune ?… Eh bien, c’est parce qu’il guerroie avec don Tello, le frère hideux du Trastamare… Celui qui s’est enfui à Nâjera !
    – Il faudrait occire le petit Charles, ce Mauvais qui ne cesse d’encombrer la vie de notre Charles, qui lui est honnête et chrétien.
    Content de son homélie, jouant des hanches et des épaules, Henri de Mauny se rapprocha du seuil de la tente. Guesclin leva un poing menaçant :
    – Logrono, Vitoria, Salvatierra, Santa-Cruz de Campezo, ces cités que nous connaissons arborent sur leurs parois les bannières navarraises 20  !… Les rois d’Aragon et de Portingal se disent neutres. C’est faux : ils souhaitent l’affaiblissement de la Castille pour la dépecer… et Charles le Mauvais leur a promis son alliance… Le Portugalois a envoyé trois mille chevaux à Pèdre… Nous sommes venus céans pour instaurer la paix… Nous ne l’établirons que par la guerre. Après, la paix régnera conjointement avec Henri !
    « La Pax Guesclina  », songea Tristan.
    – Nous allons effrayer l’Aragon. Nous donnerons la cacade au roi Pierre IV. S’il veut la bataille, nous la lui accorderons volontiers. Puis nous irons à Boija où j’ai affaire… Ensuite, nous chevaucherons vers Toulette. J’ai une grosse envie d’assainir cette cité où les synagogues font la nique aux églises ! Pas vous ?
    Croisant les bras, Guesclin considéra ses hommes liges. Ceux qui ne disaient point oui acquiesçaient de la tête. Tristan resta glacé. Le Breton sourit mais ne dit mot : entre eux, depuis longtemps, c’était la guerre. Une fois de plus, ils se regardaient bien en face avec un mépris un peu plus accru que la veille.
    – Un vrai guerrier, Castelreng, n’a nul besoin de s’attarder à penser. Un chevalier n’en doutez pas doit férir haut et parler bas…
    Il n’avait fait, lui, que confabuler. La sagette qu’il décochait n’atteignit pas son but ; Tristan sourit :
    – Je suis avec toi contre mon gré, mais je t’obéirai, sois sans crainte.
    Aucune amertume ne transpirait dans sa voix : il rappelait le fait qui lui tenait à l’âme et durcissait son cœur d’une aversion dont il faudrait bien qu’il s’épanchât un jour.
    – Assez parolé de l’Espagne, messires, dit le Breton en se frottant les mains. Il me faut aussi vous apprendre que notre bon roi Charles a cité à comparaître Édouard, prince de Galles, en la cour du Parlement de Paris pour toutes les mauvaisetés qu’il a commises en Guyenne contre des prud’hommes naguère ses alliés (374) .
    Il y eut quelques grondements : ces seigneurs soudain ralliés à Charles V demeuraient suspects aux Mauny, Beaumont et quelques autres, fidèles serviteurs de la Couronne de France depuis toujours.
    – La meilleure façon de prouver leur féauté à Charles, dit Amanieu d’Ortige, c’était de venir avec nous châtier Pèdre, le renié !
    D’un regard, Guesclin lui enjoignit le silence. Il obéit, mais un «  Merdaille  » révéla son courroux.
    Dès lors on s’entretint du froid, de la chicheté de la nourriture et des prochaines batailles. En quittant le pavillon aux toiles durcies par le gel, Tristan sentit sur sa nuque un regard chargé de haine. Il eût pu se retourner ; il ne l’osa.
    Maussade, pataugeant dans une boue grisâtre sous la lune, il rejoignit ses compagnons assemblés autour d’un feu dont la fumée semblait hésiter à atteindre le faîte troué de la tente. Arrachées à la neige, des pierres le circonscrivaient.
    – Messire, dit Paindorge, il a dû s’en dire des choses, vu le temps que vous avez passé !
    – Il s’en est dit, Robert. Toujours les mêmes : Pèdre, Pèdre, toujours lui. À ouïr tous ces propos, on dirait que le Trastamare est un saint !
    – Malandrin pour malandrin, dit Galiffer de Jumelle, un petit barbu qui présentait ses paumes au feu l’une après l’autre pour laisser un peu de place à celles de ses voisins, oui,
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