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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
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Henri et Pèdre de combattre auprès d’eux pour respecter ses serments, il avait eu recours à un expédient pour les tromper l’un et l’autre, se réservant l’opportunité de protester de sa fidélité auprès de celui que le sort des armes désignerait pour vainqueur. Olivier de Mauny occupait alors le château de Boija 27 en Aragon. Il en était gouverneur pour Guesclin à qui, l’année précédente, Pierre IV avait donné l’investiture de ce domaine 28 . Mauny n’était point autre chose qu’un routier avide et vénal et Charles de Navarre en était informé. Rencontrant secrètement le parent de Bertrand, le Navarrais avait convenu d’un arrangement aux conséquences infaillibles. Quittant Tudela pour aller chasser sur la frontière d’Aragon le jour même où Pèdre et les Anglais, partis de Saint-Jean-Pied-de-Port, s’engageaient dans la passe de Roncevaux 29 , il avait distancé ses veneurs pour se trouver cerné par les Bretons de Mauny, et conduit à Boija (376) . Les ravisseurs avaient clamé que c’était à bon droit qu’ils avaient pris le roi puisqu’il avait violé la neutralité de la Navarre en livrant le passage au prince de Galles. Charles avait fait en sorte de demeurer en captivité jusqu’à l’issue de la campagne. On avait appris dans l’armée de Guesclin qu’il avait versé à Mauny 3 000 francs de rente et lui avait fait donation de la cité de Gavray, sur ses terres de Normandie. Évidemment, Bertrand s’était réjoui de cette transaction. Et pourtant, Navarre était l’ennemi du roi Charles dont le Breton et son cousin étaient les serviteurs. Après la défaite des Français et des Castillans de Don Henri à Nâjera, le petit roi de Pampelune n’avait plus songé qu’à sortir de Boija et à rompre toutes ses promesses. Il avait eu affaire à des capitaines d’aventure. Il les pouvait donc duper avec moins de remords et plus d’aisance que le prince de Galles et Pierre IV d’Aragon. Laissant un de ses fils, l’infant don Pèdre, en otage à Boija, il avait invité Mauny à l’accompagner à Tudela pour lui remettre le prix et le document concernant Gavray. À peine arrivé au château de son ancien complice et faux otage, le Breton avait été jeté au cachot. Un de ses frères, disait-on, en essayant de le délivrer, avait été occis par les mercenaires de Navarre. Otage contre otage, et rien de plus  : on avait échangé l’infant contre Mauny. Celui-ci, maintenant, pourpensait sa vengeance.
    *
    Une enceinte aussi haute que celle de Carcassonne ceignait Boija. C’était, dans sa couronne dissuasive, une place importante juchée sur une éminence rocheuse appelée La Muela, au sud-est de Tarazona, sur un affluent de l’Èbre : le Huecha. Un donjon carré, trapu, dominait les églises. Elles sonnèrent à herle 30 quand l’armée de France apparut, le dimanche 4 février en fin de matinée.
    – Ils nous craignent déjà ! ricana Alain de Mauny.
    – Défiez-vous-en, dit Perrot de Savoie, sa lourde main tapotant son épée. Navarre a une dent contre vous : il la montre… Oui, oui, Bertrand : la muela, c’est la dent autant qu’il m’en souvienne… Ce fumeux peut avoir, ce jourd’hui, une muela cordai del juicio, autrement dit une dent de sagesse.
    – Des nôtres on le mordra, grommela Guesclin, perplexe.
    En cheminant sans hâte vers la cité, le sire de Pommiers se plut à rappeler qu’il y avait eu, en ces lieux, les prémices d’une grande bataille entre Pèdre et le roi d’Aragon. Le sire d’Albret avait opté pour Pèdre et Gaston III Phœbus pour Pierre IV. L’Aragonais avait offert la bataille ; Pèdre l’avait refusée. Bien qu’on fût au printemps il avait fait si chaud que des guerriers étaient morts de soif, d’autres avaient expiré sous les brandons du soleil. On s’était séparés sans même se combattre.
    – Le temps n’est pas au beau, dit Guesclin, mais si ce malandrin désire une bataille, par le sang du Christ, il l’aura !
    Le spectacle de dix mille malandrins déployés autour de ses murailles effraya Charles de Navarre. Il ouvrit une porte à Guesclin et à Henri de Mauny (377) et l’on apprit bientôt que sous la menace, les demandeurs avaient obtenu réparation du préjudice dont ils se plaignaient. Les goujats qui les avaient accompagnés réapparurent chargés chacun d’une besace gonflée. On apprit aussi que les deux Bretons, outre de gros subsides, avaient obtenu un château en
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