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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
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servît un suzerain prodigue à son unique égard qu’un roi certes riche, mais inconstant puisqu’il ne cessait de balancer entre l’Angleterre, la Navarre et la France.
    Il advenait que les substituts de Charles V fissent halte sur une éminence pour encourager la Chevalerie et l’écuyerie aux Lis, et stimuler les routiers montés assemblés bruyamment derrière elles, jusqu’à l’apparition des piétons. Tristan réprouvait ces inspections inopinées lors desquelles, sitôt qu’il l’apercevait, Guesclin aiguisait un trait à son égard. Sous le prétexte d’une occasion fortuite, le Breton ne manquait jamais de lui signifier sa détestation. Il subissait sans ennui apparent cette épreuve vexatoire dont Paindorge s’indignait à l’inverse de Jumelle et de Cabus qui n’en soupçonnaient pas la teneur. Ils se merveillaient, eux, avec envie, de cette amitié hypocrite et sordide qui s’exprimait par des tournures aussi creuses que la bouche qui les proférait. Il était «  Castelreng le bon compère », le «  preux Tristan privé d’Yseult  », le «  vainqueur de Bordeaux  », le «  chevalier au cœur d’airain  ». D’aucuns, qui connaissaient Guesclin de longue date, savaient que cette couronne dont le ceignait le marmouset 24 du roi de France était tressée de chardons et d’épines. D’autres, tels Eustache de la Houssaye, Bras-de-Fer, les Mauny – Alain et Henri – et jusqu’au Petit-Meschin commençaient à distinguer, sous la jubilation, l’enflure et la ténacité, le venin et la griffe. Pour ne point infecter cette faveur mensongère, Tristan s’était promis d’en accepter tous les gages avec la sérénité d’un sourd-muet. Jamais il ne pourrait obvier à cette bienveillance maléficieuse comme jamais il n’échapperait à l’enragerie du tyranneau de basse Bretagne.
    – Où allons-nous maintenant, compagnons ? demanda le Petit-Meschin lorsque l’armée fut prête à quitter Tudela.
    Les Grands seuls s’étaient fait ouvrir les portes de la cité pour y hosteler 25 à leur aise. Il s’était vu rejeter comme la plupart des prud’hommes engagés à solde prometteuse, mais non perçue encore, dans une aventure dont après les difficultés du voyage tous commençaient à mesurer les périls. Son honneur, disait-il tout en pataugeant dans la neige, avait moult souffert d’une éviction qui l’avait privé d’un repas chaud et d’un bon lit.
    Tristan se merveillait que ce malandrin eût l’outrecuidance de se référer sans vergogne à une vertu dont il était dépourvu. Hélas ! C’était dans les mœurs des chefs de compagnies de s’attribuer les mérites de leurs victimes. Après les avoir effrayées, violentées, dépouillées de tous leurs biens – voire privées de la vie après des tourments énormes -, il fallait encore, par une sorte d’iniquité de leur ténébreuse cervelle, qu’ils se crussent d’honnêtes gens !
    Ils se connaissaient, le Meschin et lui, depuis les horreurs de Brignais. À chacune de leurs rencontres, ils affectaient de ne point se voir. Leurs regards démentaient cette feinte indifférence : ils demeuraient des ennemis. Il était évident que le routier se sentait aussi à l’aise en présence de Guesclin et des substituts du roi de France que naguère parmi les abominables malandrins que les Tard-Venus avaient élus pour chefs.
    – Eh bien, où allons-nous ? insista le Meschin. Faudrait savoir !
    – Boija, dit Olivier de Mauny avec une espèce d’affabilité qui révélait entre eux une accointance dont les fondements remontaient à quelques années.
    – Nous avons, dit Guesclin, de vieux comptes à régler avec Charles de Navarre. Ce linfar croyait nous échapper ; or, il s’est mussé au châtelet de Boija. Il est trop couard pour s’enfuir par ce temps dont les loups même ont répugnance !… Va falloir, cette fois, qu’il brise sa tirelire !
    Tout en sellant Malaquin tandis que Paindorge bouclait la ventrière de Flori, Tristan se souvint de la mésaventure dont Mauny avait pâti lors de leur première venue en Espagne, deux ans plus tôt. Le cousin de Bertrand – cousin à la mode de Bretagne 26 – y avait été abusé comme un jouvenceau :
    Charles de Navarre avait pris soin de ménager Pèdre et le Trastamare. Lorsque le prince de Galles s’était avancé vers les Pyrénées, à la fin de janvier 1367, le Navarrais avait commandé qu’on défendît le passage de Roncevaux. Sommé par
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