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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue
Autoren: Ildefonso Falcones
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l’oreille droite
l’avait projeté à terre, à quelques pas de là.
    — Chien nazaréen ! avait crié Brahim debout, en
colère.
    Le garçon avait secoué la tête pour recouvrer ses esprits et
porté la main à son oreille. Derrière son beau-père, il lui avait semblé voir sa
mère disparaître tête basse et rentrer à la maison.
    — Tu as mal sanglé cet animal ! avait beuglé
Brahim en lui montrant une des mules. Tu veux peut-être qu’elle s’érafle tout
au long du chemin et qu’elle ne puisse plus travailler ? Tu n’es qu’un
nazaréen inutile, avait-il craché, un bâtard chrétien !
    Hernando avait fui à quatre pattes et s’était caché dans un
coin de l’étable, sous la paille, la tête entre les genoux. Dès que le
tintement des sabots du troupeau avait annoncé le départ de Brahim, Aisha, la
mère d’Hernando, était revenue dans l’étable et s’était dirigée vers lui, une
citronnade à la main.
    — Tu as mal ? lui avait-elle demandé,
s’accroupissant pour lui caresser les cheveux.
    — Pourquoi tout le monde m’appelle nazaréen,
mère ? avait-il sangloté, levant la tête d’entre ses genoux.
    Aisha avait fermé les yeux devant les larmes de son fils.
Elle avait voulu les essuyer d’une caresse, mais Hernando avait détourné le
visage.
    — Pourquoi ? avait-il insisté.
    Aisha avait soupiré profondément ; puis elle avait
hoché la tête et s’était accroupie sur la paille.
    — D’accord, tu es assez grand désormais, avait-elle
cédé avec tristesse, comme si ce qu’elle allait dire lui coûtait un grand
effort. Il faut que tu saches qu’il doit y avoir quatorze ans, neuf mois avant
ta naissance, le curé du village où je vivais quand j’étais petite, dans
l’Ajerquía d’Almería, m’a violée…
    Hernando avait sursauté et arrêté de sangloter.
    — Oui, mon fils. J’ai crié et résisté, comme l’exige
notre loi, mais je n’ai pas pu faire grand-chose alors contre la force de ce
dépravé. Il m’a accostée loin du village, dans les champs, en milieu de
matinée. C’était un jour ensoleillé, s’était-elle souvenue tristement. Je
n’étais qu’une enfant ! avait-elle crié soudain. Il a arraché ma tunique
d’un seul coup. Il m’a allongée par terre et…
    Avant de continuer, la femme était revenue à la réalité,
face aux yeux de son fils, immensément ouverts et fixés sur elle.
    — Tu es le fruit de cet outrage, avait-elle chuchoté.
C’est pour cela… qu’on t’appelle le nazaréen. Parce que ton père était un curé
chrétien. C’est ma faute…
    Mère et fils s’étaient regardés pendant un long moment. Les
larmes avaient de nouveau coulé sur le visage du jeune garçon, mais cette fois
la douleur était différente ; Aisha avait lutté contre ses propres larmes
avant de comprendre qu’il lui serait impossible de les retenir. Alors elle
avait laissé tomber le verre de citronnade et avait tendu les bras vers lui
pour qu’il s’y réfugie.
    La jeune Aisha avait eu beau sauver son honneur par ses cris,
dès que sa grossesse avait été notoire, son père, modeste muletier maure,
conscient qu’il ne pourrait échapper à la honte, avait cherché le moyen, au
moins, de ne plus en être le témoin. Il avait trouvé la solution en Brahim, un
jeune et beau muletier de Juviles qu’il rencontrait souvent sur la route et à
qui il avait proposé d’épouser sa fille contre une dot de deux mules : une
pour sa fille et une autre pour le petit être qu’elle portait dans son ventre.
Brahim avait hésité, mais il était jeune, pauvre, et il avait besoin de bêtes.
De plus, qui savait si la petite créature irait même jusqu’à naître ?
Peut-être ne dépasserait-elle pas les premiers mois… Sur ces terres
inhospitalières, nombreux étaient les enfants qui mouraient en bas âge.
    Même si le fait qu’elle avait été violée par un prêtre
chrétien le répugnait, Brahim avait accepté le marché et emmené Aisha avec lui
à Juviles.
    Mais, à l’encontre des désirs de Brahim, Hernando était né
fort, et avec les yeux bleus du curé qui avait violé sa mère. Il avait
également survécu à la petite enfance. Les circonstances de ses origines
avaient couru sur toutes les bouches et, si le village avait eu pitié de la
fillette violée, il n’avait pas montré la même clémence à l’égard du fruit
illégitime du crime ; ce mépris avait grandi face aux attentions que don
Martín et don Andrés
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