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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue
Autoren: Ildefonso Falcones
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à
terre, recroquevillée et tuméfiée, les lèvres bleuies, respirant avec
difficulté. À l’intérieur du temple, le curé et ses adjoints prolongèrent le
châtiment du pénitent, à qui ils ne cessèrent de reprocher ses fautes, tandis
qu’ils transportaient les objets du culte de l’autel à la sacristie.

 
2.
    « Les Maures se sont révoltés, c’est vrai, mais
ce sont les vieux-chrétiens qui les poussent au désespoir, avec leur arrogance,
leurs larcins et l’impudence avec laquelle ils s’approprient leurs femmes. Même
les prêtres se comportent ainsi. Comme un village entier s’était plaint de son
curé auprès de l’archevêque, celui-ci donna l’ordre de vérifier le motif de la
plainte. Emmenez-le loin d’ici, demandaient les paroissiens… ou, sinon,
mariez-le, car tous nos enfants naissent avec des yeux aussi bleus que les
siens. »
     
    Francés de Álava, ambassadeur d’Espagne
    en France, à Philippe II, 1568
     
    Juviles était la
localité principale d’une taa [1] composée d’une vingtaine de villages
répartis sur les contreforts accidentés de la Sierra Nevada. Un quart des marjales [2] de toutes ses terres était irrigable, et le reste
de culture sèche. On y cultivait du blé et de l’orge ; elle comptait plus
de quatre mille marjales de vigne, oliviers, figuiers, châtaigniers et noyers,
mais surtout de mûriers, l’aliment des vers à soie, la plus importante source
de richesse de la région, même si la soie de Juviles ne bénéficiait pas du prestige
dont jouissaient celles venues d’autres taas des Alpujarras.
    À ces sommets, à plus de mille aunes au-dessus du niveau de
la mer, les Maures, patients et travailleurs, cultivaient jusqu’au plus abrupt
bout de terrain susceptible de leur fournir quelque moisson. Les flancs de la
montagne, là où la roche n’apparaissait pas, étaient échelonnés en petites
terrasses enclavées aux endroits les plus cachés. Ce jour-là, alors que le
soleil était déjà au plus haut dans le ciel, le jeune Hernando Ruiz rentrait à Juviles.
C’était un garçon de quatorze ans aux cheveux brun foncé mais à la peau bien
plus claire que celle, brun olive, de ses congénères. Ses traits, néanmoins,
étaient semblables à ceux des autres Maures aux sourcils fournis, à la
différence notable de ses grands yeux bleus qui contrastaient. Il était de
taille moyenne, mince, vif et énergique.
    Il venait de ramasser sur une terrasse les dernières olives
d’un vieil olivier qui résistait au froid de la montagne, à l’abri, tordu,
juste à côté d’une autre terrasse où l’on avait planté du blé. Il l’avait fait
à la main. Il avait rampé sous l’arbre, sans le gauler, et il avait même
recueilli les olives qui présentaient une teinte brune. Le soleil tempérait
l’air froid qui venait de la Sierra Nevada. Hernando aurait aimé rester là à
éliminer les mauvaises herbes, puis aller sur une autre terrasse où il
supposait que l’humble Hamid était en train de travailler le peu de terres
qu’il possédait. Sur les terrasses, lorsqu’ils se trouvaient seuls, travaillant
ou sillonnant la montagne à la recherche des précieuses herbes avec lesquelles
le vieil homme préparait ses remèdes, Hernando l’appelait Hamid au lieu de
Francisco, le nom chrétien sous lequel il avait été baptisé. La plupart des
Maures utilisaient deux noms : le chrétien, et le musulman au sein de leur
communauté. Hernando, toutefois, était simplement Hernando, même si dans le
village on se moquait souvent de lui ou on l’insultait en l’appelant « le
nazaréen ».
    Instinctivement, au souvenir de son surnom, le jeune garçon
ralentit sa marche. Il n’était en rien nazaréen ! Il balança un coup de
pied dans une pierre imaginaire et poursuivit sa route jusqu’à sa maison,
située à l’extérieur du village, là où on avait trouvé suffisamment de place
pour construire une étable afin d’abriter les six mules avec lesquelles son
beau-père allait et venait sur les chemins des Alpujarras, ainsi qu’une
septième : la Vieille, sa préférée.
    Cela faisait près d’un an que sa mère s’était vue obligée de
lui expliquer la raison d’un tel sobriquet. Un matin, à l’aube, il avait aidé
son beau-père, Brahim – José pour les chrétiens –, à harnacher les
mules. Une fois son travail accompli, alors qu’il disait au revoir à la Vieille
en lui tapotant affectueusement le cou, une forte gifle sur
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