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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue
Autoren: Ildefonso Falcones
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petite jupe plissée qui lui couvrait la moitié des
cuisses ; il avait les jambes nues et des chaussures en cuir nouées par
des lanières. Au début de l’année suivante, quand les nouvelles lois
entreraient en vigueur, Brahim, comme tous les Maures du royaume de Grenade,
devrait troquer ses vêtements contre une tenue chrétienne. À sa ceinture,
malgré l’interdiction, brillait un poignard courbe.
    Derrière le Maure, à l’arrêt, en file indienne –
puisqu’elles ne tenaient pas deux par deux sur cet étroit relief de la
roche –, se trouvaient les six mules chargées. Dans la paroi du ravin, on
pouvait observer l’entrée de petites grottes.
    Lorsqu’il aperçut son beau-père, Hernando arrêta de courir.
La peur qu’il éprouvait toujours en sa présence s’accentua. Comment le
recevrait-il ? La dernière fois, alors qu’Hernando avait couru à sa
rencontre sans perdre de temps, il l’avait giflé pour son retard.
    — Pourquoi t’arrêtes-tu ? vociféra le Maure.
    Hernando accéléra pour couvrir les quelques pas qui les
séparaient, faisant instinctivement le dos rond lorsqu’il passa près de lui,
sans pourtant éviter un gros coup sur la nuque. Il tituba jusqu’à la première
mule et se posta à l’entrée d’une grotte après s’être glissé, de profil, entre
la roche et les mules ; en silence, il se mit à y introduire les marchandises
dont son beau-père avait chargé les bêtes.
    — Cette huile est pour Juan, le prévint-il en lui
donnant une jarre. Aisar ! cria-t-il devant l’hésitation qu’il perçut chez
son beau-fils.
    C’était le nom musulman de Juan.
    — Celle-là pour Faris.
    Hernando rangeait les marchandises à l’intérieur de la
grotte tout en s’efforçant de garder en mémoire les noms de leurs
propriétaires.
    Quand les mules furent à moitié déchargées, Brahim prit le
chemin de Juviles et le garçon resta à l’entrée de la grotte, parcourant du
regard la vaste plaine qui s’étendait à ses pieds, jusqu’à la montagne de la
Contraviesa. Il n’y demeura pas longtemps : il connaissait ce paysage par
cœur. Il entra dans la grotte et s’amusa à fouiner parmi les marchandises
qu’ils venaient de cacher et les nombreuses autres qui étaient emmagasinées.
Des centaines de grottes des Alpujarras s’étaient transformées en entrepôts où
les Maures dissimulaient leurs biens. Avant qu’il ne fasse nuit, les
propriétaires de ces produits passeraient par là récupérer ce qui les
intéressait. Chaque voyage était identique. À proximité de Juviles, quel que
fût l’endroit d’où il venait, son beau-père lâchait la Vieille et lui ordonnait
de rentrer à la maison. « Elle connaît les Alpujarras mieux que personne.
J’ai passé toute ma vie sur ces chemins et, malgré cela elle m’a sauvé parfois
de situations difficiles », avait l’habitude de commenter le muletier.
C’était le signal : la Vieille arrivait seule à Juviles et Hernando
courait immédiatement jusqu’aux grottes retrouver son beau-père. Ils laissaient
là la moitié des gains obtenus par Brahim et, de cette manière, les impôts
élevés que son beau-père devait payer pour les bénéfices de son travail
diminuaient de moitié. De leur côté, les acheteurs faisaient la même chose dans
cette grotte ou dans d’autres semblables avec une bonne partie des marchandises
qu’ils récupéraient des mains d’Hernando avant qu’elles n’arrivent à Juviles.
Les innombrables précepteurs de dîmes et prémices, ou les alguazils qui
touchaient les amendes et sanctions, avaient l’habitude d’entrer dans les
maisons des Maures pour encaisser et saisir tout ce qu’ils y trouvaient, y
compris de valeur supérieure à la dette. Ensuite ils ne rendaient pas compte du
résultat des adjudications et les Maures perdaient ainsi leurs biens. À de
nombreuses reprises, la communauté avait porté plainte auprès du juge de paix
d’Ugíjar, de l’évêque et même du corregidor de Grenade, mais chaque fois en
vain, et les receveurs chrétiens continuaient de voler impunément les Maures.
Pour cette raison, tous appliquaient le système instauré par Brahim.
    Assis, le dos appuyé à la paroi de la grotte, Hernando cassa
une petite branche sèche en plusieurs bouts et s’amusa distraitement
avec ; il allait devoir attendre un bon moment. Il examina les
marchandises entassées et reconnut la nécessité de cette fraude ; sans
elle, les chrétiens les auraient
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