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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue
Autoren: Ildefonso Falcones
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Hernando frappa trois coups du revers de la main.
    — La paix, répondit Hamid au troisième coup. J’ai vu
Brahim rentrer au village, ajouta-t-il dès que le garçon eut franchi le seuil.
    Une lampe à huile fumante éclairait la pièce, qui constituait
tout le foyer d’Hamid et, malgré l’écaillement des murs et les fuites provenant
du plafond, elle apparaissait propre et nette, comme toutes les maisons maures.
La cheminée était éteinte. L’unique petite fenêtre de la cabane avait été
condamnée afin d’empêcher le linteau de tomber.
    Le garçon hocha la tête et s’assit par terre à côté de lui,
sur un coussin râpé.
    — Tu as déjà prié ?
    Hernando savait qu’il lui poserait cette question. Il savait
aussi quelles seraient les paroles suivantes : « La prière du
soir… »
    — … est la seule que nous pouvons pratiquer en toute
sécurité, répétait toujours Hamid, car les chrétiens dorment.
    Si Andrés s’efforçait de lui apprendre les prières
chrétiennes, ainsi qu’à compter, lire et écrire, l’humble Hamid, respecté comme
uléma dans le village, faisait de même pour ce qui était des croyances et de
l’enseignement musulmans ; il s’était imposé cette tâche depuis que les
Maures avaient rejeté le bâtard d’un prêtre, comme s’il rivalisait avec le
sacristain chrétien et toute la communauté. Il le faisait aussi prier sur les
terrasses, à l’abri des regards indiscrets, ou bien ils récitaient ensemble les
sourates pendant leurs déambulations dans la montagne à la recherche d’herbes
curatives.
    Avant qu’il réponde à la question d’Hamid, celui-ci se leva.
Il ferma la porte et la barricada. Alors tous deux se déshabillèrent en
silence. L’eau était déjà préparée dans des récipients propres. Ils se
positionnèrent en direction de La Mecque, de la qibla.
    — Ô Dieu, mon Seigneur ! implora Hamid au moment
où il introduisait les mains dans le récipient pour les laver trois fois.
    Hernando se joignit à lui pour les prières et fit la même
chose de son côté.
    — Avec Ton aide, je me préserve de la saleté et de la
méchanceté de Satan maudit…
    Puis ils procédèrent, selon les règles, aux ablutions du
corps selon les règles : parties honteuses, mains, nez et visage, le bras
droit puis le gauche depuis le bout des doigts jusqu’au coude, la tête, les
oreilles et les pieds jusqu’aux chevilles. Ils accompagnèrent chaque ablution
des prières correspondantes, même si parfois la voix d’Hamid se transformait en
un murmure presque inaudible. C’était le signal de l’uléma pour laisser le
garçon diriger les prières ; Hernando souriait, et tous deux poursuivaient
le rituel, le regard perdu en direction de la qibla.
    — … que le jour du Jugement Tu me remettes…, priait à
voix haute le jeune garçon.
    Hamid plissait les yeux, acquiesçait avec satisfaction et
reprenait la litanie :
    — … ma lettre à la main droite et que Tu en prennes
bonne note…
    Après les ablutions, ils commencèrent la prière du soir en
s’inclinant à deux reprises, s’accroupissant afin de toucher leurs genoux avec
les mains.
    — Loué soit Dieu…, se mirent-ils à prier en chœur.
    Au moment de la prosternation, alors qu’ils se tenaient à
genoux sur l’unique couverture dont disposait Hamid, le front et le nez
effleurant le tissu et les bras tendus vers l’avant, on frappa à la porte.
    Tous deux se turent, immobiles sur la couverture.
    Les coups se répétèrent. Cette fois plus fortement.
    Hamid tourna un visage effrayé vers le jeune garçon,
cherchant ses yeux bleus qui brillaient à la lueur de la bougie. « Je suis
désolé », semblait-il lui dire. Lui, il était déjà vieux, alors
qu’Hernando…
    — Hamid, ouvre ! entendit-on dans la nuit.
    Hamid ? En dépit de sa jambe impotente, le Maure bondit
et se planta devant la porte. Hamid ! Aucun chrétien ne l’aurait appelé
ainsi.
    — La paix.
    Le visiteur fixa Hernando, encore agenouillé sur la
couverture, les orteils appuyés dessus.
    — La paix, le salua l’inconnu, un petit homme, brun de
peau, tanné par le soleil et bien plus jeune qu’Hamid.
    — C’est Hernando, lui présenta Hamid. Hernando, voici
Ali, d’Órgiva, le mari de ma sœur. Qu’est-ce qui t’amène ici à cette
heure ? Tu es loin de chez toi.
    Pour toute réponse, Ali désigna Hernando du menton.
    — Ce garçon est de toute confiance, assura Hamid :
tu pourras toi-même
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