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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue
Autoren: Ildefonso Falcones
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plongés dans la pauvreté la plus absolue. Il
collaborait également à la dissimulation pour la dîme du bétail, des chèvres et
des brebis. Bien que rejeté par la communauté, il avait été choisi comme
complice. « Le nazaréen, avait allégué un vieux Maure, sait écrire, lire
et compter. » C’était vrai : Andrés, le sacristain, s’était chargé de
son éducation depuis l’enfance, et Hernando avait démontré qu’il était bon
élève. Il se révélait indispensable de bien tenir les comptes pour abuser le
percepteur de la dîme du bétail qui revenait à chaque printemps.
    Le receveur exigeait que les bêtes soient rassemblées dans
une plaine et contraintes de passer en file indienne sur un étroit chemin
constitué de troncs. Un animal sur dix revenait à l’Église. Mais les Maures
invoquaient le fait que les troupeaux de moins de trente bêtes n’avaient pas à
être assujettis à la dîme, et que la somme correspondante devait se limiter à
quelques maravédis. De cette manière, le moment venu, ils constituaient d’un
commun accord des troupeaux de moins de trente bêtes, ruse qui supposait
ensuite de nombreux calculs pour pouvoir recomposer les manades.
    Cependant, le prix de tous ces stratagèmes était très élevé
pour Hernando. Le garçon lança violemment contre le mur les petits bouts de
branche qu’il avait dans la main. Aucun d’eux n’atteignit la paroi et ils
retombèrent sur le sol… Il se souvint de l’après-midi où il avait été désigné
pour mener la fraude à bien.
    — Beaucoup d’entre nous savent compter, s’était opposé
l’un des Maures lorsqu’on avait proposé Hernando pour flouer le percepteur de
la dîme du bétail. Peut-être pas aussi bien que le nazaréen, mais…
    — Mais vous tous, y compris toi, possédez des chèvres
ou des brebis, ce qui peut susciter de la méfiance, avait insisté le vieil
homme qui avait proposé le nom du garçon. Brahim, et le nazaréen moins encore,
n’ont d’intérêt pour le bétail.
    — Et s’il nous dénonce ? avait lancé un troisième
homme. Il passe beaucoup de temps avec les curés.
    Le silence s’était fait parmi les présents.
    — Ne vous inquiétez pas. Je m’en occupe, avait assuré
Brahim.
    Le soir même, dans l’étable, Brahim était allé trouver son
beau-fils, qui finissait de s’occuper des mules.
    — Femme ! avait hurlé le muletier.
    Hernando avait été surpris. Son père se trouvait à deux pas
de lui. Qu’avait-il pu faire de mal ? Pourquoi appelait-il sa mère ?
Aisha était apparue à la porte de l’étable et s’était rapidement dirigée vers
l’endroit où tous deux se tenaient, s’essuyant les mains dans un torchon
qu’elle portait en guise de tablier. Avant même qu’elle puisse poser une
question, Brahim avait fait un tour sur lui-même et, le bras tendu, lui avait
administré une terrible gifle. Elle avait chancelé. Un filet de sang avait
coulé à la commissure de ses lèvres.
    — Tu as vu ? avait grogné le muletier à
l’intention d’Hernando. Ta mère en recevra cent comme ça si tu t’avises de
raconter quoi que ce soit aux curés à propos du manège des grottes ou du
bétail.
     
    Hernando demeura tout l’après-midi dans la grotte, jusqu’à
l’arrivée, un peu avant la nuit, du dernier Maure. Alors il put enfin
redescendre au village pour s’occuper des mules ; il devait soigner leurs
éraflures et contrôler leur état. À l’endroit où il dormait, dans un coin caché
des écuries, il trouva une casserole contenant de la bouillie et une citronnade
dont il se rassasia. Il termina avec les animaux et quitta rapidement l’étable.
    Lorsqu’il passa devant la petite porte en bois de sa maison,
il cracha. À l’intérieur, ses demi-frères riaient. Dominant le tumulte, la
grosse voix de son beau-père se détachait. Raissa le vit par la fenêtre et lui
adressa un sourire fugace : c’était la seule qui parfois avait pitié de
lui, même si ces rares signes d’affection, comme ceux d’Aisha, se manifestaient
forcément dans le dos de Brahim. Hernando pressa le pas avant de se mettre à
courir en direction de la maison d’Hamid.
    Le Maure, veuf, maigre et flétri, tanné par le soleil,
boiteux de la jambe gauche, vivait dans une cabane qui avait subi mille
réparations sans grand succès. Bien qu’ignorant son âge, Hernando avait
l’impression qu’il comptait parmi les plus vieux hommes du village. La porte
était ouverte, mais
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