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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu
Autoren: Steven Pressfield
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Il comprit sur-le-champ l’objet de notre entretien.
    » Il demanda qu’on l’excusât pour son retard et s’assit. Il me remercia de ma ponctualité et s’enquit de la santé de mon père malade et d’autres membres de ma famille. Il était clair qu’il avait l’esprit absorbé par les mille tâches de l’armée et de l’État, ainsi que par sa mort imminente et par le chagrin de sa femme et de ses enfants bien-aimés, mais il me consacrait quand même son temps. “Me détestes-tu ? demanda-t-il pour commencer. Si j’étais toi, je me détesterais. Mes mains trembleraient d’une colère mal contenue.” Il me fit une place sur le banc. “Viens, ma fille, assieds-toi près de moi”, dit-il. J’obéis. Je perçus l’odeur de sa sueur et la chaleur de son corps chauffé par l’exercice, comme jadis j’avais senti celles de mon père, quand il m’appelait pour me demander conseil.
    » “La cité s’interroge, reprit Léonidas, sur les raisons pour lesquelles j’ai choisi ces hommes pour les Trois Cents. Était-ce pour leur valeur militaire ? Mais alors, pourquoi avais-je inclus, parmi des champions tels que Polynice, Dienekès, Alphée et Maron, des jeunes gens sans expérience tels qu’Ariston et ton fils Alexandros ? Peut-être, suppose-t-on, ai-je deviné un accord subtil entre eux. Ou peut-être ai-je été soudoyé. Je ne dirai jamais à la cité pourquoi j’ai choisi ces hommes. Je ne le dirai pas non plus aux Trois Cents. Mais je te le dirai. Je les ai choisis, non pour leur propre valeur, ma fille, mais pour celle des femmes de leur famille.” À ces mots, un cri m’échappa. Je comprenais ce qu’il voulait dire. Il posa sa main sur mon épaule pour me consoler. “La Grèce, dit-il, vit son heure la plus périlleuse. Si elle s’en sort, ce ne sera pas aux Portes, où seuls nous attendent la mort et les Alliés, mais plus tard, dans des batailles sur terre et sur mer. Me comprends-tu ? Quand la bataille sera finie et que les Trois Cents seront morts, la Grèce tournera son regard vers les Spartiates pour savoir comment ils endurent l’épreuve. Mais qui regarderont-ils ? Toi. Toi et les autres mères et épouses, sœurs et filles des héros.”
    » “S’ils vous trouvent accablées de chagrin et le cœur brisé, ils seront eux aussi accablés. Et la Grèce se brisera avec eux. Mais, si vous gardez la tête haute et l’œil sec, et que non seulement vous supportez votre deuil, mais que vous méprisez la douleur et ne considérez que l’honneur, alors Sparte tiendra. Et toute l’Hellade se rangera derrière elle. ”
    » “Pourquoi t’ai-je choisie, Paraleia, toi et les autres femmes des Trois Cents ? Parce que vous pouvez garder la tête haute.”
    » Les mots me jaillirent de la bouche : “Est-ce là la récompense de la valeur des femmes, Léonidas ? D’être deux fois affligées et de supporter un double chagrin ?” La reine Gorgo tendit la main vers moi pour me consoler, mais Léonidas la repoussa, et serrant pourtant mon épaule il dit : “Ma femme veut te faire comprendre le fardeau qu’elle a porté toute sa vie sans se plaindre. Il lui a été refusé d’être simplement l’épouse de Léonidas, car elle est l’épouse de tous les Lacédémoniens. C’est désormais ton statut, femme. Tu ne peux plus être l’épouse d’Olympias et la mère d’Alexandros, mais tu dois être l’épouse et la mère de toute la nation. Vous êtes les mères de toute la Grèce et de la liberté elle-même. Voilà le devoir sévère que j’ai imposé à ma propre épouse et que je t’impose. Dis-moi, avais-je tort ?”
    » Sur ces mots, je ne pus plus me contenir. Je fondis en sanglots. Léonidas m’attira à lui. Il m’étreignit, sans rudesse, mais avec douceur. La paix me gagna, comme si elle était communiquée par ce bras fort, mais aussi par quelque grâce divine. La force et le courage me revinrent. Je me levai et j’essuyai mes yeux. Les mots que j’adressai à Léonidas étaient plus forts que moi, peut-être inspirés par une déesse que je ne pouvais nommer.
    » C’étaient là, mon roi, les dernières larmes que le soleil verra sur mon visage.

3
    Ce furent les dernières paroles du captif Xéon. Sa voix déclina, puis la vie le quitta rapidement. Les dieux lui avaient confié une mission ; ils exaucèrent enfin son désir le plus cher, celui de retrouver ses camarades aux Enfers.
    À l’extérieur de la tente d’Oronte retentissait la
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