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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu
Autoren: Steven Pressfield
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blessures subies le jour précédent. Alphée parla vite ; il n’avait pas de talents d’orateur, mais sa sincérité en compensait le manque.
    — Les dieux n’ont consenti aux hommes de les surpasser que d’une façon, dit-il, c’est en donnant tout ce qu’ils possèdent et ce que les dieux ne peuvent pas donner : leur vie. Je vous donne la mienne avec joie, mes amis, qui êtes devenus le frère que je n’ai plus.
    Et sur ce, il regagna brusquement les rangs.
    Les hommes appelèrent alors Dithyrambe. Le Thespien s’avança, avec son attitude habituellement moqueuse. Il montra du geste le défilé au-delà du goulet, où l’avant-garde des Perses venait d’arriver et fixait les marques de l’armée.
    — Allez-y, déclara-t-il, et amusez-vous !
    Des rires parcoururent l’assistance. Plusieurs autres Thespiens prirent la parole. Ils furent encore plus laconiques que les Spartiates. Et, quand ils eurent fini, Polynice s’avança à son tour.
    — Il n’est pas difficile pour un homme né sous les lois de Lycurgue d’offrir sa vie pour son pays, dit-il. Pour moi et les autres Spartiates ici, nous avons tous des fils et nous savons tous depuis notre enfance que c’est la fin à laquelle nous sommes destinés. Nous savons que c’est un accomplissement devant les dieux.
    Il se tourna solennellement vers les Thespiens, ainsi que les servants et les hilotes affranchis.
    — Mais pour vous, frères et amis… pour vous qui verrez aujourd’hui tout s’éteindre…
    Sa voix se brisa. Il hoqueta et s’essuya le nez du revers de la main parce qu’il ne parvenait pas à pleurer. Il demanda son bouclier et l’éleva au-dessus de sa tête.
    — Ce bouclier était celui de mon père et du père de mon père. J’ai juré devant les dieux de mourir avant qu’un autre homme me l’arrache !
    Il s’approcha des Thespiens et, parmi eux, s’avança vers un guerrier obscur. Et il lui remit son bouclier. L’homme l’accepta, ému, et lui donna son bouclier en échange. Un autre Thespien se présenta et il y eut un nouvel échange de boucliers. Et vingt, trente boucliers changèrent de mains. Les capes rouges des Spartiates se mélangèrent aux noires des Thespiens et les distinctions entre les nations s’effacèrent.
    On demanda alors Dienekès. Les soldats avaient besoin d’un trait, d’un de ces mots d’esprit dont il était coutumier. Il résista. On voyait qu’il répugnait à parler.
    — Frères, je ne suis ni roi, ni général. Je n’ai jamais été plus qu’un commandant de peloton. Je vous dis donc ce que je dirais à mes hommes, sachant la peur qui s’agite en silence dans chaque cœur, pas la peur de la mort, mais la peur de bien pire, de défaillir, de manquer, d’avoir été inférieur à soi-même dans cette heure ultime.
    Les mots avaient fait mouche ; on le voyait sur les visages attentifs et silencieux.
    — Voici ce que vous devez faire, mes amis. Oubliez le pays. Oubliez le roi. Oubliez les épouses et les enfants et la liberté. Oubliez toutes vos idées, aussi nobles soient-elles, pour lesquelles vous pensez que vous vous battez ici aujourd’hui. N’agissez que pour ceci : pour le camarade qui se tient à vos côtés. Il est tout et tout réside en lui. C’est tout ce que je sais. C’est tout ce que je peux vous dire.
    Il avait fini. Il recula. On entendit un brouhaha à l’arrière de l’assemblée. Les rangs s’agitèrent. Alors apparut le Spartiate Euryte. C’était celui qui avait été atteint de cécité et qu’on avait évacué à Alpenoï avec Aristodème. Il était revenu, aveugle, mais armé et mené par son servant. Il prit sa place dans les rangs, sans un mot. Le courage palpitait déjà dans les rangs ; il redoubla.
    Léonidas s’avança et reprit le commandement. Il proposa que les commandants thespiens s’entretinssent avec leurs compatriotes dans ces derniers moments de calme, pendant que lui-même s’entretiendrait avec ses compatriotes.
    Les hommes des deux cités se séparèrent. Il ne restait que deux cents pairs et affranchis de Lacédémone ; ils s’assemblèrent autour de leur roi sans considération de grades. Ils savaient que Léonidas ne parlerait pas de sujets aussi nobles que la liberté, la loi ou la défense de l’Hellade contre le tyran. En effet, il parla avec simplicité de la vallée de l’Eurotas, du Parnon et du Taygète et du groupe de cinq villages non fortifiés qui constituait la polis et l’État que le monde
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