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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés
Autoren: Pierre Naudin
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trop de venir avec moi. La guerre n’est pas ce que tu imagines. Nul ne s’y plaît et n’y rit, même quand il sort vivant et vainqueur des pires échauffourées… On y souffre, crie, pleure et gémit… On y meurt en maudissant Dieu plus encore que l’ennemi auquel on doit son trépas… Les plus vaillants, dans les mêlées, connaissent des peurs affreuses… De plus, pour ta sauvegarde, il te faudra m’obéir…
    — Je vous obéirai.
    — J’y compte bien !
    À quel point d’amitié en étaient-ils arrivés !
    — Comme je te l’ai dit, j’ai rencontré Guillaume de Rechignac, le frère de ta mère, et son sénéchal. Voici un mois, informé par un chevaucheur de ce qui se préparait, Guillaume a quitté son Périgord sans autre compagnon que Blanquefort, dans l’espérance de fournir encore moult coups d’épée, et de venir, ensuite, passer quelques jours à Gratot… si toutefois il survit aux mêlées !
    — Je vais enfin connaître mon oncle !
    — Il a grand désir de te voir et, je le reconnais, sa présence me rassure. Entre lui, Blanquefort et moi-même, tu seras en sécurité.
    — Oui, Père.
    — Hâte-toi. J’ai promis à Thomas Fouque de lui porter la santé avant d’embarquer.
    — Qui est-ce ?
    — Le garde du Clos des Galées. Il veille au nolisement des vaisseaux. Tous nos ports sont en état de guerre [22] . De Rouen, Fouque devait se rendre à Honfleur. S’il n’y est pas, nous monterons sur le Christophe sans l’attendre.
    — Ah ! Vous savez déjà le nom de votre nef ?
    — Ce Christophe, nos mariniers l’ont pris ave l’Édouarde, pendant l’hiver dernier, lors de l’exil de quelques hogues [23] d’Angleterre.
    Et changeant brusquement de ton :
    — Es-tu satisfait ?
    Un sourire trembla sur les lèvres d’Ogier : par l’entremise de son père, le Ciel lui rendait justice. Il se sentait un homme et le saurait prouver.
    — Je suis prêt à vous suivre et à vous faire honneur !
    Il se sentit enfermé dans un regard chaud, protecteur. Godefroy d’Argouges parut vouloir faire un pas vers lui – pour l’étreindre ? –, puis renonça.
    — Ne nous attardons plus. Je t’attends dans la cour. Le baron disparut sur cette dernière instance. Ogier entendit son pas décroître dans l’escalier. En sifflotant, il se hâta de s’habiller. Enfin, il allait voir une bataille. Et, sans doute, y participer.

II
    À Honfleur, dès l’aube du 14 juin, Godefroy et Ogier d’Argouges embarquèrent sur le Christophe, le grand vaisseau soustrait à l’Angleterre. Il était doublement mâté : un gros arbre maître légèrement en retrait de son centre et un bropié [24] à la façon des Normands, Ses ancres, nombreuses, renforçaient ses flancs d’une ceinture de fer. On distinguait, tout proche du château de proue, le sommet du hoquereau qui bientôt lèverait l’amarre principale.
    Le chevalier et son fils précédèrent de très peu deux hommes d’aspect, d’âge et de vêtements dissemblables engagés, depuis le bas de la passerelle, dans une controverse acharnée qu’ils suspendirent une fois sur le pont.
    — Qui sont-ils, Père ?
    — Le plus vieux, Pierre Bahuchet, capitaine de la Mer. L’autre un Génois, Barbanera [25] , qu’on appelle aussi Tête-Noire.
    — Ils ont un commandement ?
    — J’ignore tout de leurs attributions. Mais vois-tu, quelles qu’elles soient, nous devrons nous fier davantage aux manœuvres du mercenaire qu’à celles de Bahuchet… Car il n’a jamais affronté quiconque.
    — Jamais ?
    — Jusqu’à ces dernières semaines, il était chargé des armes et des nolisements, c’est-à-dire de l’affrètement et du louage des navires. Trésorier de la Couronne, il a passé toute sa vie immobile sur un siège et la plume à la main.
    — Cela se voit ! dit Ogier en considérant le quinquagénaire au teint flétri, frileusement enveloppé dans une houppelande noire. Pensez-vous qu’il ait tout de même certaines connaissances ?… Car, pour avoir un commandement…
    — Aucune, te dis-je ! Il vient avec nous de par la volonté de Philippe, notre roi si plein de discernement !
    Intrigué par cette ironie fielleuse, le jouvenceau s’empressa de demander :
    — Et son compagnon, Père ? Oyez et voyez comme il se récrie !
    Le Génois hirsute et gesticulant était vêtu d’un haubergeon crevé de déchirures, et coiffé d’une barbute parée de plumes de cygne. Il portait à la ceinture
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