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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés
Autoren: Pierre Naudin
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le titre de roi de France avant de rembarquer pour son pays…
     
    *
     
    Godefroy d’Argouges s’assit sur le coffre, près de son fils. Il semblait anxieux, indécis. Derechef il toussa puis reprit à voix basse :
    — Édouard va revenir d’Angleterre avec une flotte puissante et moult guerriers bien adurés [19] . Il a laissé à Gand la reine Philippa, son épouse, et leurs enfants.
    Ogier se taisait, imaginant ces enfants royaux plutôt que cette femme qu’on disait grosse et laide.
    — Ce n’est pas tout. On sait qu’il a offert pour otages à son cousin, le duc de Brabant, deux de ses préférés : Henry de Lancastre, comte de Derby, et Guillaume de Montagu, comte de Salisbury.
    — Père, vous avez évité de parler de vos batailles devant Mère et Aude, ce que je comprends fort bien… Mais dites-moi : vous êtes-vous battu ces dernières semaines ?
    Le seigneur de Gratot caressa la prise d’Almire. C’était une épée longue, lourde, large, enfoncée dans un fourreau de frêne recouvert de cuir noir clouté d’or.
    — Il y a eu des escarmouches sur terre et sur mer… Nos maîtres écumeurs ont répandu le feu sur les côtes anglaises et conquis deux grandes nefs dont Édouard était fier… J’ai suivi le roi au siège d’Escaudœuvres.
    Alors que je revenais à Gratot, j’ai su par un lainier de Lille qu’Artevelde veut lancer contre nous ses Flamands – ils sont soixante mille – et qu’Édouard va tenir sa promesse : toucher le continent le jour de la Saint-Jean-Baptiste.
    — C’est bientôt.
    — C’est pourquoi nous devons différer le débarquement en Angleterre et attendre dès maintenant les Goddons en eau profonde… Quand nous aurons coulé leurs coques, la mer nous appartiendra et nous attaquerons la Grande Ile.
    — Bonne idée !
    — Certes ! Mais Blainville est contre… Plutôt que de prendre dans nos nefs des gens de mer de chez nous accoutumés aux abordages, il prétend les bourrer de chevaliers, de Génois et d’une piétaille encombrante.
    Godefroy d’Argouges se tut. Son silence semblait attendre une réponse, non de son fils – qui jamais ne l’avait vu aussi las et embarrassé –, mais de lui-même.
    — Parlez-moi, Père ! Qu’avez-vous ?… Vous me paraissez soucieux.
    Jusqu’à ce moment lourd d’incertitude, Ogier n’avait pas senti s’égrener le temps ; il voyait depuis deux ans si peu son père. Autour d’eux, tout était silence, ou presque, car en bas des coqs chantaient, des bœufs et des vaches meuglaient dans les étables ; un cheval hennissait quelque part.
    Croisant soudain les bras, Godefroy d’Argouges se leva et considéra son fils :
    — Par saint Michel, mon gars, je ne vais pas balancer davantage. C’est dans un but précis que je t’ai tiré du lit !… Et si j’hésitais encore à te demander ça, c’est que ta vie m’est précieuse.
    Sa voix s’étrangla :
    — Maintenant que tu en as l’âge, te sens-tu le cœur de me compagner ?
    Ogier bondit :
    — Avec joie !
    Son visage, rouge d’un plaisir auquel Godefroy d’Argouges fut sensible, se crispa subitement :
    — Mère ne voudra jamais que je parte avec vous !
    Le chevalier posa ses mains lourdes et nerveuses sur les épaules du garçon. Son contentement avait disparu ; désormais, une sérénité glacée pétrifiait sa figure :
    — J’ai parlé à Luciane avant de venir t’éveiller… Je te prends et lui laisse Aude : nous sommes quittes.
    — Elle doit être tout adoulée.
    — Cesse de t’apitoyer, c’est mauvais. Afin d’éviter des recommandations et des pleurs inutiles, tu ne verras ni ta mère ni ta sœur…
    Le chevalier ouvrit le coffre. Ses mains plongèrent dans son contenu :
    — Il y a dedans des vêtements propres, un surcot de cuir, et ce perce-mailles de bon acier toulousain que je t’ai offert l’an passé, pour ton anniversaire… Habille-toi et rejoins-moi à l’écurie. Nous partirons avec Asselin et Lesaunier. Ils sont prêts et ramèneront nos chevaux… Nous dînerons avec frère Peynel et les bénédictins de Hambye avant de cheminer vers Caen… J’y suis attendu par Fauvel de Vaudencourt en visite personnelle. Bien qu’il soit devenu quelqu’un de haut placé [20] , nous sommes toujours bons amis… Ensuite, nous irons à Honfleur… Quinze lieues en suivant la bande [21] .
    Godefroy d’Argouges allait franchir le seuil de la chambre lorsqu’il se retourna :
    — Ne te réjouis point
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