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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés
Autoren: Pierre Naudin
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    Godefroy d’Argouges remua une épaule. La flamme qui avait étincelé dans ses yeux s’éteignit :
    — Les Génois viennent d’arriver. Blainville les a instamment réclamés au duc Jean… Que veux-tu ? Je n’ai guère confiance en ces mercenaires. On se bat mieux quand c’est uniquement par devoir… Mais quoi ! Une seule chose importe : vaincre les Anglais. Cependant, plus les jours passent, plus nos bonnes chances d’y parvenir s’amenuisent. Le roi et le duc Jean dispersent une partie de nos forces en Flandre. J’en viens et peux t’en parler : Guillaume de Hainaut, le beau-père d’Édouard, nous mène la vie dure avec ses soudoyers, ses bouchers et ses tisserands !
    Ogier connaissait en partie les raisons pour lesquelles l’Angleterre était devenue l’ennemie de la France. Tout avait commencé à la mort de Louis X [15] . Le défunt ne laissait pas de fils. De sa première femme, Marguerite de Bourgogne, il avait une fille : Jeanne. Sa seconde, Clémence de Hongrie, était grosse. Si elle accouchait d’un fils, l’enfant serait roi. Mais si c’était d’une fille ? Une régence s’imposait. Charles de Valois et Eudes de Bourgogne, oncle de Jeanne, se l’étaient disputée avant d’être supplantés par le comte de Poitiers, Philippe le Long, deuxième fils de Philippe le Bel.
    Or, la reine avait mis au monde un fils : Jean [16] . Il n’avait vécu que cinq jours. Dans les idées d’alors, le trône revenait à Jeanne. Le droit des femmes à l’héritage royal était reconnu partout : en Castille, Aragon, Portugal, Navarre, Sicile, Angleterre, Écosse, Hongrie, Pologne. Mais la France différait de ces pays. Son suzerain s’estimait supérieur en puissance, et aucune femme n’avait régné : l’hérédité masculine était une habitude. Enfin, la légitimité de la naissance de Jeanne prêtait à soupçon en raison de la condamnation de sa mère accusée d’adultère. Philippe le Long avait gagné à sa cause son oncle, Charles de Valois, son plus jeune frère, Charles de la Marche, et maints autres barons. Toutefois, deux pairs de France seulement avaient figuré à son sacre [17]  : Charles de Valois et la comtesse d’Artois. Les ducs de Bretagne, Bourgogne, Guyenne et le comte de Flandre étaient demeurés chez eux. Le duc de Guyenne, roi d’Angleterre, Édouard II, n’avait élevé aucune protestation, bien que son épouse, Isabelle, fille de Philippe IV, eût pu prétendre au trône. Un mois après son couronnement [18] , le nouveau roi avait tenu, à Paris, une assemblée où l’on avait vu siéger, auprès du clergé et du baronnage, des bourgeois et des membres de l’Université acquis d’avance. L’assemblée avait déclaré que « femme ne succède pas au royaume de France ». On disait que des légistes avaient invoqué une loi des Francs saliens dont Clovis, sans doute, était l’auteur. La formule était réapparue au début de février 1328, à la mort de Charles IV, dernier fils de Philippe le Bel. « Femme, ni par conséquent son fils, ne peuvent succéder au royaume de France. » Le défunt ne laissant que deux filles, la coutume leur refusait le trône. Édouard III, petit-fils du roi de Fer par sa mère Isabelle, avait revendiqué la couronne et le sceptre vacants. Il s’était trouvé écarté au profit de Philippe de Valois et d’Anjou : n’avait-il pas pour père le frère de Philippe IV le Bel ?
    Bien qu’il eût jugé la sentence inacceptable, Édouard III, alors âgé de seize ans, avait prêté hommage à Philippe – devenu Philippe VI –, son suzerain en France, pour protéger son duché d’Aquitaine. Six ans plus tard, cédant aux instances de Robert d’Artois, banni et dépouillé de ses biens en raison de ses méfaits, le souverain d’Angleterre avait réclamé l’héritage de son grand-père. En juillet 1338, conduisant ses vaisseaux bourrés d’hommes d’armes, il avait abordé à Anvers. Sur les bannières, les lis de France touchaient aux léopards.
    Dès le commencement des hostilités, Godefroy d’Argouges avait quitté Gratot. Il y réapparaissait de temps en temps pour des visites de plus en plus brèves et dont l’intervalle allait grandissant. Il avait combattu en Thiérache, à Cambrai, au Mont-Saint-Martin. Il avait été blessé deux fois en affrontant les Flamands. Un échevin, Jacques Van Artevelde, conduisait ces démons subjugués par Édouard III, lequel avait pris à Gand
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