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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés
Autoren: Pierre Naudin
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une épée d’Albanie, dite arnaute , reconnaissable à la courbure de son fourreau et à sa prise, tous deux plaqués d’argent blanc repoussé.
    — On le prendrait pour un Mahomet !
    — Barbanera, mon fils, est un bon mercenaire. Il connaît la mer. Il a mis à la disposition du roi ses galères et ses dromons [26] et pour qu’il soit présent dès maintenant, c’est qu’il a touché sa solde… D’après ce que je vois, l’accord est loin d’exister entre lui et Bahuchet.
    Le Génois levait les bras au ciel, les rabattait fermement, calait ses poings contre ses hanches et secouai la tête avec indignation. Ogier entendit ces mots : « Droit sur Douvres », puis : « un vieillard ! ». Bahuchet acquiesçait mollement, ébauchait des objections : « Mais non, mais non, messire », auxquelles l’autre répondait par des « Madonna ! Madonna ! » exaspérés.
    — Un lion et un âne, commenta Godefroy d’Argouges. Bien clairvoyant qui saurait nous apprendre si ces lamentations relèvent de la fureur ou de la confusion… Mais pour en savoir plus, attendons les suivants.
    Ce furent Guillaume de Rechignac et son sénéchal.
    — Salut, Godefroy ! s’écria, réjoui, le baron périgourdin en accédant au tillac. Nous voilà, parent, à la traîne, mais le chemin est long, de Rouen en Honfleur, même à bord du petit Saint-Jean qui prend bien le vent et vient de nous déposer.
    — Vous ne serez pas les derniers.
    — Ce retard, beau parent, est un peu de ma faute. Comme je n’osais confier nos escarcelles à l’hôtelier du Poisson bleu, maître Felletin, chez lequel nous avions pris pension, nous sommes allés trouver Nicolas Salviati, un Lombard dont le frère, Francesco, tient boutique en Périgord. C’est d’ailleurs Francesco qui nous l’a recommandé… Ce Nicolas, plus normand que lombard, est un banquier que je te recommande. Il nous a retenus à sa table et ma foi, ses vins se laissant boire…
    — Il va conserver nos écus, coupa irrespectueusement Blanquefort, et maître Felletin nos chevaux… Qu’avez-vous fait des vôtres, messire Godefroy ?
    — Deux de mes hommes, qui nous avaient accompagnés, sont repartis avec eux pour Gratot.
    Dans l’entrefaite, précédé d’un écuyer arrogant, porteur d’une livrée grise à parements safran, l’amiral Hue Kieret apparut. Vêtu en partie de mailles noires, ce vieillard aux longs cheveux gris salua puis interpella un des marins les plus proches de la coupée :
    — Holà, toi, navieur [27] , plutôt que de paroler…
    L’équipage se tut, cessa de se mouvoir.
    — Cours à la cuisine et fais-m’y préparer un chaudeau !… J’ai faim.
    Le commandement, hurlé d’une voix zézayante d’édenté, créa l’étonnement et suscita quelques sourires, surtout lorsque l’amiral ajouta :
    — Et qu’on apprête aussi un pichet de halbi [28] . J’ai soif !
    Puis d’un pas chancelant, bien que la nef fût immobile, il gagna l’accastillage de poupe.
    — Voilà l’époux de Blanche d’Harcourt, mon fils. Tandis que le frère de cette noble dame souhaite fleureter avec les Goddons pour le plus grand bien de la Normandie – ce que je comprends sans peine –, son beau-frère doit nous conduire devers eux pour que nous les taillions en pièces !
    Trois comtes, quinze barons, vingt-trois écuyers survinrent. Ils occupèrent le pont et l’entrepont tandis qu’une centaine d’arbalétriers génois s’alignaient le long des garde-corps. Un vacarme de voix et de cliquetis d’armes commença, percé de loin en loin par les injonctions des enseignes. Deux hommes s’élancèrent dans les enfléchures et plantèrent au centre de la gabie [29] la hampe du tode, large flamme à deux pointes, d’azur semé de fleurs de lis d’or. L’un d’eux redescendit pour haler, au moyen d’un palan, un gros sac de cuir dans le gréement.
    — Qu’y a-t-il là-dedans ? demanda Ogier.
    — La sagoule, mon fils, que d’autres appellent catharn ou andriveau, contient les munitions qui serviront au gabier. Arbalète, carreaux, boulets… Que sais-je encore ?… Et toutes ces manœuvres dormantes que tu vois, passées en couronne, à la tête du mât, et qui servent d’appui aux palans, sont des carnals ou calicornes. Elles soulèvent les lourds fardeaux destinés à la bataille et permettent d’étendre sur l’équipage un filet à mailles étroites destiné à sa protection. On appelle cela le pont de cordes…
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