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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés
Autoren: Pierre Naudin
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Tiens, regarde : on amène la penne et le carrau.
    Une voile s’élevait au-dessus de la poupe, une autre vers la proue.
    — Le voilà ! maugréa Godefroy d’Argouges.
    Blainville arrivait. Il était seul, habillé de velours noir des pieds jusqu’au chaperon. Ogier lui découvrit un visage funèbre. Quand cet homme, d’un geste agacé, l’éloigna de son bras pour aller droit au timonier, il eut envie de cracher sur ses pas. D’un regard, il consulta son père.
    — Ce malfaisant a feint de ne pas nous connaître, releva Godefroy d’Argouges. C’est peut-être mieux ainsi.
    — C’est donc lui le conseil du roi, grogna Guillaume de Rechignac. Ma parole, j’ai cru voir un malandrin. Je ne dis point cela, Godefroy, pour te complaire. As-tu-vu ? Il est venu jusqu’au Christophe en litière, comme une…
    — … princesse, acheva Ogier.
    Nul ne rit. Le seigneur de Gratot sourcilla.
    — Demeurez, dit-il à ses compagnons groupés au pied du château de poupe. Je vais saluer quelques bons amis et surtout tendre l’oreille pour savoir où nous irons.
    Il disparut dans la cohue. Quand il revint, son visage maussade se fripait sous l’effet d’une colère invincible :
    — Voyez ces vaisseaux, dit-il en désignant une douzaine de bâtiments prêts à appareiller, sur le pont desquels scintillaient les fers des cottes et des armes. Eh bien, nul n’y sait encore où nous allons… Les capitaines ont reçu mandement de suivre le Christophe, rien de plus… Il y a dans ces coques quatre ou cinq mille hommes. Vingt-cinq mille nous attendent dans les nefs que nous devons retrouver en haute mer. Nul ne peut dire encore vers quoi nous cinglerons ! Levant ? Ponant ? Tout ce que j’ai appris, et qui me paraît redoutable, c’est que Hue Kieret ne commandera pas seul. Il sera secondé par Bahuchet, Tête-Noire et surtout Richard de Blainville, truchement du roi…
    Un sourire mit un peu de clarté dans la bouche du baron de Gratot :
    — Blainville omniprésent !… Les autres enragent. Leurs dissentiments viennent de commencer, car il leur faut aussi compter avec les capitaines Wylard Lardot, un Espagnol, et Jean Godefroy.
    Derechef, le chevalier s’accorda une pause, sans doute pour fournir plus de force à une révélation dont Ogier fut tout aussi consterné que son oncle et Blanquefort :
    — Jean Langlois, qui approvenda ces nefs, et ses lieutenants, Jean Champenois et Laurent de Valricher, m’ont fait quelques confidences. Apprenez, compères, que si nos quatre chefs sont d’accord pour atteindre la Grande Ile, chacun d’eux veut toucher terre en un lieu différent.
    — Cela commence bien !
    — Eh oui, Blanquefort. S’ils ne cessent de se quereller, c’en sera fait de nos desseins, et plutôt que d’être conquise, l’Angleterre nous conquerra !
     
    Ogier regarda une compagnie d’archers grimper aux échelles de coupée de la Belle Jeanne , voisine du Christophe. Il se retourna :
    — Ils devraient avoir prévu où, quand et comment frapper, dit-il. Ils en ont eu le temps.
    — Ils n’ont rien décidé, mon gars… Rien !
    La Seine et le ciel grisaillaient. Des paquets de vaguelettes se fracassaient sur les jetées et les appontements. Guillaume de Rechignac, occupé à croquer une pomme, sourit à son beau-frère :
    — Allons, beau parent, apaise-toi. Je conçois ton courroux, mais il est inutile… Prends patience et dis-toi…
    Il mordit dans le fruit et tout en mastiquant :
    — Dis-toi que Dieu nous aidera.
    C’était un homme de cinquante ans, haut de plus de cinq pieds, robuste, les joues et le menton couverts d’une barbe encore brune. Des yeux sombres à reflets roux, brillants comme deux hannetons, et un continuel sourire éclairaient son visage. Et tout en observant cet inconnu dont certains traits – le front plat, dégagé, les lèvres minces et le menton proéminent – lui rappelaient ceux de sa mère, Ogier se demanda si la guerre ne constituait pas pour lui un jeu à peine plus éprouvant qu’un tournoi. Caressant la prise de son épée comme si l’envie de la tirer du fourreau le démangeait, il affirma :
    — Quels que soient le jour et le lieu de rencontre, nous écraserons les Goddons. Car nous sommes et resterons les plus forts. Pas vrai, Hugues ?
    Du même âge que Guillaume, sans doute, mais grisonnant, le sénéchal parut d’une opinion différente :
    — Ils ont une archerie puissante et redoutable.
    Puis, sa dextre posée sur
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